Ce jour-là, le dimanche 20 octobre 1996, ce sont 300.000 personnes qui se rassemblent aux abords de la gare du Nord, à Bruxelles, avant de défiler dans les rues de la capitale. Elles ont répondu à l’appel de Marie-Noëlle Bouzet qui, à l’époque, cherche toujours sa fille, Elizabeth Brichet, disparue en 1989 (enlevée et assassinée par Michel Fourniret), de Carine et Gino Russo, les parents de Mélissa, de Louisa et Jean-Denis Lejeune, les parents de Julie, de Paul et Betty Marchal, les parents d’An auxquels s’est jointe la famille de Loubna Benaïssa, disparue en 1992 (enlevée et assassinée par Patrick Derochette) et qu’à l’époque, on cherche toujours.
Ces familles de victime, frappées par la disparition de leurs enfants et désabusés par le fonctionnement de l’appareil judiciaire, ont invité la population à un rassemblement de grande ampleur, une marche apolitique. "Le blanc sera notre couleur, le symbole de nos enfants abîmés et assassinés, de l’innocence trahie, mais aussi d’une société pacifiée. Joignez-vous à nous avec une fleur ou un ballon blanc en signe de reconnaissance. Nous souhaitons que cette marche soit une démonstration de paix et de solidarité envers tous les enfants", écrivent-ils alors dans l’invitation à marcher.
La foule répond à l’appel. Le 20 octobre, ce sont 300.000 personnes qui déferlent dans les rues de la Capitale. On pourrait y ajouter, sans qu’on ait pu les compter, tous ceux qui, à distance, suivent l’événement à la télévision ou l’oreille collée à la radio.
Tous les enfants sont des princes et des princesses
Cette "Marche blanche" est l’une des plus grandes manifestations de masse que la Belgique ait connues. Le "blanc" se décline sous toutes ses formes : ballons blancs, fleurs blanches, vêtements blancs. Derrière cette vague blanche, s’expriment la tristesse, l’indignation, la colère et l’incompréhension.
A l’issue du parcours de la "Marche blanche", les parents, réunis sur un podium, prennent chacun leur tour la parole, entre messages de paix et reproches à la Justice. "Nous avons cru que l’institution judiciaire allait nous aider. Nous avons dû déchanter. Jusqu’au jour où un juge a bien voulu considérer nos enfants comme des princesses à sauver", dit Carine Russo, la maman de Mélissa, en faisant allusion, sans le citer, au juge d’instruction Jean-Marc Connerotte qui venait d’être dessaisi, quelques jours plus tôt, par la Cour de cassation pour avoir participé à un "souper spaghettis" de soutien aux victimes de Marc Dutroux. "Je veux dire à tous ceux qui sont là pour te rendre hommage que tous les enfants sont des princes et des princesses. Que cette marche serve. Que jamais plus aucun enfant ne connaisse l’enfer sur terre", déclare aussi Carine Russo.