"Il tombera plus de quinze centimètres de neige la semaine prochaine" : pas si sûr…

Avant de s’aventurer dans les méandres des modèles météorologiques, commençons par se remettre sous les yeux la situation prévue pour ces prochains jours :

• Samedi : la grisaille sera à nouveau au rendez-vous avec un risque de brouillard givrant important. Prudence sur les routes, la visibilité sera réduite et en plus il fera glissant. Quelques giboulées seront toujours possibles sur la bande côtière ;
• Dimanche : encore un temps gris et même si cela reste incertain, on s’attend à de faibles averses de neige sur la plupart des régions ;
• Lundi : toujours des grisailles matinales et quelques giboulées résiduelles au sud du sillon Sambre et Meuse. Au nord, les éclaircies devraient s’imposer.

Et pour la suite, ce sont d’ailleurs les éclaircies qui devraient l’emporter avec un temps plus lumineux, mais très froid.

Le froid est d’ailleurs le facteur le plus marquant de ces prochains jours, on va passer nettement sous les normales de décembre, à savoir 6,5 °C pour la température maximale et 2,1 °C pour la minimale, à Uccle.

… mais pour le reste, c’est plus compliqué que cela.

Actuellement, tous les modèles sont d’accord sur l’évolution à court terme. Par contre, des scénarios très différents sont calculés par les modèles "à long terme" et vous allez le constater sur le diagramme qui suit, dès le 13 décembre, ces modèles prennent des trajectoires fondamentalement différentes.

Commençons par un peu de théorie pure et dure (on s’en excuse, mais c’est un passage obligé).

Pour schématiser, il existe deux grandes familles de modèles de prévisions :

• Les modèles déterministes : ils calculent à un instant donné une situation météorologique sur base des données dont ils disposent à cet instant (et c’est tout !). On utilise ces modèles pour des prévisions allant de quelques heures à 3-4 jours. On obtient donc un seul et unique scénario ;
• Les modèles d’ensemble : ces modèles proposent plusieurs variations "autour du même thème". Le modèle produit une série de variations en faisant à chaque fois bouger légèrement les données dont il se sert de base. Ces modèles sont utilisés pour des échéances plus longues et proposent donc plusieurs scénarios.

Dans un monde idéal : on se sert d’un modèle d’ensemble pour vérifier la fiabilité d’un modèle déterministe.

Alors, à quoi cela nous avance-t-il finalement ? Jetez un œil aux graphiques ci-dessous…

N’ayez pas peur, on vous explique : ce que vous voyez, c’est tout simplement le modèle "ECMWF", un modèle d’ensemble en l’occurrence, avec une vue des températures sur la partie haute et des précipitations attendues sur la partie basse.

• La ligne noire représente le scénario déterministe ;
• L’ensemble des lignes "fines" de couleur symbolise chacun des scénarios prévus par le modèle d’ensemble ;
• La ligne rouge est la ligne "médiane", la moyenne de ces scénarios.

Jusqu’à dimanche voire lundi, tout le monde semble d’accord : les différents scénarios, la médiane et le déterministe vont dans la même direction… Après cela : c’est le chaos !

Ce qu’indique concrètement ce "gribouillage" (n’ayons pas peur du mot), c’est qu’à partir de ce mardi tous les scénarios sont possibles et ce serait jouer à la roulette que de pointer l’un de ces scénarios comme étant LE scénario.

De manière tout à fait concrète, les températures à 850 hPa (à peu près 1500 m d’altitude), qui sont de bons indicateurs pour identifier la masse d’air, donnent des écarts allant de +10 °C pour certains jusqu’à… -10 °C. Ceci a, évidemment, une grosse incidence sur ce qui se passera réellement.

Ce que vous voyez ci-dessous ce sont deux "runs" (deux sorties) du modèle ECMWF, le modèle européen de prévision.

À gauche, on retrouve l’évaluation des précipitations par ce modèle pour mardi prochain dans sa version du 7 décembre à 00h00… et à droite, la même évaluation mais proposée ce mercredi 8 décembre à 00h00 : on passe de tout (une douzaine de centimètres de neige dans le centre du pays) à "rien". Et rien ne nous dit que la prochaine sortie du modèle ne reparte pas dans l’autre sens.

Autre exemple : les températures. Voici ce que propose le modèle ECMWF pour les températures prévues la semaine prochaine : pour le 15 décembre, certains scénarios envisagent des températures positives (+14, +15 °C) et d’autres envisagent un gros coup de froid (-7, -8 °C). Lequel a raison, lequel a tort ? Ce sont les prochaines sorties de modèles qui nous le diront.

Actuellement, un anticyclone centré sur le Groenland couplé à une dépression sur la Scandinavie nous envoie de l’air bien froid, d’origine polaire. À partir de la nuit prochaine et dans les prochains jours, le froid devrait s’intensifier davantage.

En ce qui concerne la Belgique, comme on le voit sur le graphique ci-dessous qui représente la courbe des températures sur Bruxelles, les températures vont être en baisse constante pendant une semaine. À peine positives pendant une heure ou deux en journée, et franchement négatives les nuits.

Et sur le graphique suivant, représentant la situation du côté de Saint-Hubert, on voit que les températures n’atteindront plus le 0 °C dès ce vendredi et ce au moins pour une bonne semaine.

L’air froid descend donc sur l’Europe, et, dans le même temps, une dépression sur les Açores fait remonter de l’air doux et perturbé sur l’Espagne et le sud de la France. Dès lors, les masses d’air vont se rencontrer sur une "zone de conflit", ce que l’on appelle littéralement un "front" en météo. Et c’est à la rencontre de l’air doux et froid que les précipitations neigeuses sont à envisager.

C’est la seule donnée qui semble fiable à l’heure qu’il est. La Belgique devrait rester dans la poche d’air froid liée à l’air polaire qui descend sur l’Europe.

Par contre, la probabilité de se retrouver à la "zone de conflit" (et donc d’avoir de grosses précipitations neigeuses) diminue de jour en jour.

Le modèle américain GFS qui offre une prévision à 10 jours (240 heures), ne voit toujours pas de situation délicate en date du 18 décembre. Par contre, il suggère l’approche d’air atlantique plus doux sur la Bretagne. Nous serions donc dans un temps sec et froid.

Le modèle européen suit un peu le même scénario avec notre pays encore dans l’air frais mais, toujours à l’échéance du 18 décembre, en approche d’air plus doux qui remonte sur la France. On peut imaginer (mais ce ne sont que des conjonctions), que la zone de conflit se rapprocherait seulement autour du 20 décembre de nos parages après une période de temps sec et froid.

Bien loin d’un scénario catastrophe donc.