Politique

"Il faut qu’on parle" : un collectif lance un débat citoyen pour réformer le financement des partis politiques

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Les liaisons dangereuses entre les partis politiques et l’argent font régulièrement la une de l’actualité. Les partis gèrent 93 millions d’euros chaque année, dont 73 millions sont de l’argent public. L’utilisation de cet argent est parfois critiquée parmi la population, au rythme de scandales qui peuvent éclater.

Un collectif d’associations s’empare du sujet du financement des partis politiques pour œuvrer à un nouveau système. Réunis sous la bannière "Il faut qu’on parle", ces organisations partent du principe que les partis eux-mêmes ne savent pas se mettre d’accord sur une réforme qui concerne leur propre train de vie. "Si les politiciens ne peuvent pas s’en sortir eux-mêmes, demandons aux citoyens ordinaires comment procéder", écrivent-ils. "Les partis politiques en Belgique sont largement financés par l’argent des contribuables. Il est donc logique que les citoyens puissent avoir leur mot à dire sur leur financement."

Les exemples récents de collusion entre l’argent et le pouvoir politique tels que le "Qatargate" au Parlement européen, les voyages luxueux des parlementaires wallons ou les dépenses toujours plus élevées des partis sur Facebook, les confortent dans l’idée de réformer le système.

Ce travail citoyen se fera en trois étapes :

  • Une discussion ouverte, en ligne, notamment sur le site de la RTBF du 2 février au 24 mars. Via un outil en ligne, le but est de rassembler les différents arguments qui serviront d’inspiration pour la phase suivante.
  • Le panel citoyen : à partir du 25 mars, 60 citoyens tirés au sort se réuniront pendant 3 week-ends pour formuler des recommandations pour un meilleur financement des partis. Des experts indépendants les accompagneront dans ces réflexions. Les partis politiques seront également rencontrés pendant cette phase.
  • La transmission des conclusions au monde politique.

Les initiateurs de ce mouvement sont l’ASBL Aula Magna qui promeut le débat et la réflexion en région bruxelloise, l’institut royal des Relations internationales Egmont qui fournit des analyses et options politiques sur base d’expertises, la plateforme qui promeut la participation citoyenne G1000, le groupe de réflexion indépendant Itinera, l’organisation flamande Levl qui œuvre notamment pour l’inclusion de tous dans la vie politique et le Groupe du vendredi composé de jeunes Belges d’horizons divers qui veulent œuvrer pour l’amélioration de la société.

Ils seront accompagnés d’experts : Bart Maddens (professeur et politologue à la KU Leuven), Jean Faniel (docteur en sciences politiques et directeur du Crisp) et Ingrid Van Biezen (professeure en politicologie à l’Université de Leiden).

Enfin, un comité de surveillance a pour but de garantir la qualité et l’intégrité du processus en termes d’impartialité, d’indépendance, de neutralité et d’inclusion. Ce comité de surveillance est composé de l’ancien Premier ministre Herman Van Rompuy, Art O’Leary, Carolie Sägesser (Crisp), le politologue Dave Sinardet et Sana Sellami.

L’application Rhetoric pour rassembler les arguments et apaiser le débat

La première phase commence donc ce jeudi 2 février et jusqu’au 24 mars. Les citoyens sont invités à prendre part au débat sur la question du financement des partis, notamment sur le site de la RTBF. Cela sera réalisé grâce à l’outil "Rhetoric" qui permet de rassembler un grand nombre d’arguments qui serviront d’inspiration pour le panel citoyen qui se réunira de fin mars à mi-mai. L’utilisateur est invité à se positionner par rapport à une proposition : d’accord / pas d’accord / ni l’un ni l’autre. Il peut ensuite argumenter son choix. Il est ensuite confronté à d’autres arguments, similaires ou différents du sien. Les arguments sont récoltés de façon anonyme. Les données éventuellement transmises via ces questionnaires ne sont pas récoltées ou détenues par la RTBF.

Les questionnaires ci-dessous n’ont pas valeur de sondage quantitatif.

Découvrez les enjeux et donnez votre avis

  • Comment les partis politiques sont-ils financés ?

Depuis la loi du 4 juillet 1989 (entretemps modifiée 14 fois), les partis sont obligés de publier leurs rapports financiers, ce qui nous permet d’en savoir plus sur leurs rentrées et dépenses. Cette loi interdit les dons en provenance de personnes morales, d’entreprises, de syndicats ou d’associations de faits, pour éviter la corruption et l’édiction de loi pour des intérêts privés. Elle limite également à 500€ les dons qu’un citoyen peut faire pour un parti, une liste ou un candidat. C’est donc l’Etat qui finance les partis politiques à hauteur de 74 millions d’euros en 2020, ce qui représente environ trois quarts des revenus des partis. Le reste provient surtout des cotisations des membres affiliés aux partis, ou parfois de placements immobiliers dans le cas de la N-VA. En savoir plus.

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  • Combien vaut votre vote ?

Les partis politiques belges se partageaient près de 42 millions d’euros par an en 2020 sur base de plusieurs critères : le nombre d’élus, le nombre de voix aux élections, la formation ou non d’un groupe politique au sein des parlements. De plus, lors des élections, chaque citoyen qui vote pour un parti lui offre aussi environ 5€ par an en votant pour lui. En savoir plus.

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  • En 20 ans, le patrimoine des partis politiques a plus que doublé

Si les partis touchent 42 millions par an, il faut dire aussi que les partis parviennent, grâce à cette enveloppe, à mettre de l’argent de côté. Ainsi, entre 1999 et 2020, le patrimoine des partis est passé de 56 millions d’euros à 134 millions. Et généralement, les partis accumulent pendant les législatures pour dépenser beaucoup en communication lors des années d’élections. En savoir plus.

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  • Que font les partis politiques avec votre argent ?

En dehors des années d’élections, les partis ont plutôt tendance à mettre de l’argent de côté, ce qui ne les a pas empêchés de dépenser près de 80 millions d’euros en 2020 alors qu’il n’y avait pas d’élections de prévu cette année-là, contre 95 millions en 2018-2019 pendant les élections. Ces dépenses peuvent être consacrées à des coûts de personnel ou leur centre d’étude, poste où le PS dépense le plus, des investissements dans l’immobilier, comme le fait abondamment la N-VA (15 millions d’euros en 2020), ou dans la communication pour laquelle le Vlaams Belang dépense 58,7% de son budget annuel. En savoir plus.

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  • La N-VA, le Vlaams Belang et le PTB sont les partis qui dépensent le plus en pub sur Facebook en 2022

S’il y a bien un poste de dépense où les partis politiques belges sont peu regardants, ce sont les publicités sponsorisées sur Facebook. Ils ont dépensé 5 millions d’euros en 2022, c’est 2,5 fois le montant dépensé parmi les partis politiques néerlandais alors qu’ils étaient en période électorale. Ce montant est en augmentation de 6% par rapport à 2021. Ce sont la N-VA et le Vlaams Belang qui dépensent le plus sur ce réseau social. En savoir plus.

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  • Trois partis sur quatre veulent diminuer leurs dotations publiques, mais comment vont-ils y arriver ?

Huit des douze partis seraient d’accord de modifier le système actuel de financement public des partis. Seuls s’y opposaient, lorsque nous les avons contactés en 2020, le PS, les Engagés (encore cdH à l’époque) et Défi. Le MR n’avait pas encore tranché la question. S’il existe donc une majorité pour un changement, ils ne souhaitent pas tous le même changement. Les partis sont tantôt d’accord, tantôt pas d’accord avec les volontés de limiter les dépenses sur Facebook, de réduire les contributions publiques ou de geler les dépenses des partis tant que les gouvernements ne sont pas formés. En savoir plus.

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  • Le financement des partis politiques reste fixé et contrôlé par… les partis

Les dépenses et comptabilités des partis sont scrutées par une "Commission de contrôle des dépenses électorales et de la comptabilité des partis politiques", qui se réunit régulièrement et bénéficie de l’aide d’experts. Sauf que, contrôleurs et contrôlés sont les mêmes : les élus. Les sanctions sont donc rarissimes, et cette collusion est souvent reprochée par les instances internationales. En savoir plus.

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  • Que propose le monde universitaire pour réformer le système ?

Réformer mais comment ? Après les politiques, les experts académiques ont également été consultés. Parmi les pistes : réduire purement et simplement les dotations ou réduire la part d’argent public (75%) dans le budget des partis en augmentant un peu les dons privés par exemple. D’autres se positionnent pour mieux réglementer ce que les partis pourraient faire de cet argent, en demandant davantage de transparence. Ces académiques arrivaient également à deux conclusions communes : si les politiques ne parviennent à se réguler eux-mêmes, c’est à la société civile de le faire. Et l’objectif final est de réduire le pouvoir des partis eux-mêmes, c’est-à-dire, réduire ce qu’on appelle la "particratie". En savoir plus.

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