Belgique

"Il faut que l’aéronautique belge se remette au militaire": le secteur appelle à une décision politique

Yves Delatte, CEO de la SONACA

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Par Maïté Warland
Remettre la Wallonie, et singulièrement Charleroi, au centre du secteur aéronautique militaire. C’est la volonté de deux gros acteurs : la Socana et Orizio, ex Sabca et Sabena.
Remettre la Wallonie, et singulièrement Charleroi, au centre du secteur aéronautique militaire. C’est la volonté de deux gros acteurs : la Socana et Orizio, ex Sabca et Sabena. © Bo Amstrup

La Sonaca et le Groupe Orizio (ex-Sabena Aerospca et Sabca) viennent d’annoncer un partenariat pour renforcer leur collaboration commerciale et opérationnelle dans le secteur de la défense belge. L’idée est de refaire de la Belgique un acteur incontournable du secteur.

"Nous avons des compétences complémentaires", explique Yves Delatte, CEO de la SONACA, " cet accord permet d’offrir une solution unique et belge. Ces dernières années, notre état-major de la Défense devait faire appel à des sociétés internationales, américaines notamment. Désormais, nous pourrons répondre aux demandes."

Le communiqué de presse précise que "cet accord définit les principes d’une collaboration commerciale et opérationnelle entre les deux partenaires en vue de développer leurs métiers respectifs et de commercialiser ensemble de nouveaux produits et services."

Remettre la Wallonie au centre du secteur aéronautique militaire

Derrière cet accord se cache un constat : la Belgique n’est plus aussi incontournable en aéronautique militaire qu’auparavant.

L’aéronautique militaire belge a en effet longtemps été considérée comme un fleuron de l’économie wallonne. En 1975, la Belgique signe "le contrat du siècle" avec les Etats-Unis et accepte de produire et de livrer 998 avions F-16. L’investissement de l’époque est énorme pour le gouvernement belge, mais cet achat a aussi permis de propulser le secteur de l’aéronautique dans le pays. Une industrie qui s’est perfectionnée au cours de ces dernières décennies et qui était devenue incontournable sur le plan international. La Sonaca, à Gosselies, en était un exemple très concret.

Mais en 2018, la Belgique, après une saga à rebondissements, choisi de remplacer ses F-16 vieillissants par des F-35, principalement construits aux États-Unis. Le contrat conclu sous le gouvernement de Charles Michel doit bien générer des retombées économiques en Belgique, mais bien moindres que celles provoquées par la construction des F-16.

Les contrats principaux partent dans d’autres pays, le secteur aéronautique belge se tourne alors davantage vers le civil et les vols commerciaux.

Rajoutons à cela que, depuis quelques années, le secteur aéronautique est confronté aux pressions incessantes sur les prix pratiqués dans la construction et la maintenance du secteur aéronautique, et sur les coûts de production toujours à la hausse.

Bref, aujourd’hui la Belgique ne fait plus partie des acteurs incontournables du secteur : "Finalement les retombées que nous avons obtenues avec ce contrat des F-35 c’était peanuts !", explique Gérald Scheepmans, permanent CNE, "Avec la guerre en Ukraine notamment, je pense qu’il est temps que la Belgique se remette dans les conditions pour être un acteur important et pouvoir négocier avec les tout grands acteurs militaires."

Le syndicaliste se dit d’ailleurs plutôt content de l’annonce de partenariat entre les sociétés : "Sur le site de Gosselies, se trouvent plusieurs acteurs du secteur. Et de manière syndicale, nous avions déjà réfléchi à comment faire pour être plus forts, pour peser plus face à des géants étrangers. Je trouve que c’est donc une bonne nouvelle."

Intégrer les consortiums européens

L’industrie aéronautique appelle aujourd’hui à des choix politiques pour replacer la Belgique dans les discussions et les collaborations européennes. C’est notamment le cas sur les avions de chasse de 6e génération : "La stratégie décidée par la ministre Dedonder est une stratégie de collaboration entre toutes les entreprises", constate Yves Detalle, "mais il est réellement minuit moins une ! Des consortiums européens se sont déjà montés, sans la Belgique. Pourtant des budgets ont été prévus au niveau de la Défense. Donc le message que l’on veut faire passer au gouvernement c’est qu’il est aujourd’hui impératif de prendre une décision pour nous permettre d’intégrer ces projets. Dans le but de développer les technologies nécessaires pour ces chasseurs de 6e génération."

Une nouvelle source d’emplois ?

Cette intégration dans les consortiums européens serait également une manière de créer de l’emploi, selon le CEO de la Sonaca :" Tout l’objectif est de développer nos pôles défense dans le but de créer de l’emploi durablement ancré en Belgique. Cela fait partie de notre plan stratégique."

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