Dans le livre, j'essaie de lier la question du territoire envahi avec la question écologique, au sens classique du terme. En gros, quand on parle de questions écologiques, ça embête tout le monde. Quand on parle de territoire, ça mobilise tout le monde. Donc il faut arriver à ce que les questions écologiques deviennent des questions de territoire.
Le monde commun à partager a disparu. Même s'il n'a jamais vraiment été commun, car dispersé. Ce qui est nouveau, c'est qu'on n'avait pas décidé jusqu'ici que le monde n'était pas pour tout le monde, en tout cas, ce n'était pas avoué clairement, précise Bruno Latour.
La question se pose par la question des migrations.
"Cette question du territoire qui manque, du sol qui manque, est une chose assez nouvelle. On voit bien que tous les thèmes qu'on avait avant sur l'ouverture des frontières, sur l'universalité, ne résistent pas à cette décision faite par un peu chacun d'entre nous, en tout cas par les Etats-Unis, par les élites, qu'il n'y a plus de monde commun à partager."
Il faut qu'on accepte de nouveau que ces questions de migration et d'écologie soient liées. C'est la même question. La question des inégalités, la question du sentiment de perte relative d'un territoire, relative pour nous mais tout à fait sérieuse pour beaucoup d'autres pays, et la question du déni de la situation climatique.
"Si on n'était pas en situation de déni, la situation s'arrangerait plus rapidement. Après tout, on a fait des choses beaucoup plus compliquées dans le passé, en situation de guerre, et puis on a fait des transformations industrielles, économiques, techniques beaucoup plus rapides, depuis la fin de la dernière guerre. Mais comme on est divisé sur la question de ce qu'il faut faire, et même divisés sur la situation de crise - beaucoup de gens disent que cette crise n'existe pas - , évidemment, on ne bouge pas (...) et la crise s'accroît."