Dans le cadre de la "Décennie consacrée aux personnes d’ascendance africaine" proclamée par l’ONU et à l’occasion du 59e anniversaire de l’indépendance du Congo (RDC), trois articles sont consacrés aux Afrodescendantes, à leur(s) histoire(s), leurs luttes et leurs victoires.
Une colonisation bien documentée mais peu vulgarisée
Contrairement à l’idée généralement répandue, l’histoire de la colonisation du Congo est particulièrement bien documentée, nombre d’historien.n.e.s congolais.e.s, belges et internationales en ont, en effet, étudié divers aspects. Cependant, ce pan de notre histoire reste encore méconnu du grand public notamment parce que nos enseignements scolaires en la matière ne sont pas suffisamment balisés : il n’est pas rare que ces questions ne soient pas du tout abordées durant tout le cursus d’un.e élève du secondaire. Notons néanmoins que la colonisation et ses effets font de plus en plus débat au sein de la société belge, notamment sous l’impulsion des associations antiracistes et décoloniales qui interpellent le politique sur les enjeux de restitution et la question des monuments coloniaux ou encore suite aux dernières recommandations de l’ONU enjoignant la Belgique à présenter des excuses officielles pour son passé colonial.
Les 6 dates clés de la colonisation du Congo
Schématiquement, la colonisation du Congo se découpe en deux grandes parties : la première phase (1985-1908) où le Congo était la propriété personnelle du roi Léopold II et la seconde phase (1908 – 1960) où le territoire congolais était la colonie de l’Etat belge.
- 1874 : Stanley, un explorateur britannique, entreprend une mission exploratoire du Congo durant trois ans pour le compte du roi Léopold II, suivie d’une phase de conquête.
- 1885 : Suite à la conférence de Berlin au cours de laquelle les puissances européennes se partagent l’Afrique, le roi Léopold II se voit attribuer le Congo dont il est proclamé roi. S’ensuit l’un des plus grands massacres de l’Histoire (certain.e.s évaluent à 10 millions le nombre de victimes, d’autres estiment qu’il n’est pas possible de quantifier les pertes. Par contre, il existe un consensus certain sur le caractère particulièrement sanglant de cette première phase de la colonisation ayant conduit à un nombre très élevé de victimes).
- 1908 : Le roi Léopold II lègue le Congo à l’Etat belge : la colonie est rebaptisée "Congo belge". Suite aux critiques internationales relatives à la violence du système colonial de Léopold II, l’administration coloniale belge tentera de lisser son image en s’inscrivant dans une "mission civilisatrice" à l’instar des autres puissances internationales, laquelle mission reposait sur l’idée raciste que l’Europe était plus "civilisée" que l’Afrique et se devait, à ce titre, d’"éduquer" les populations africaines y compris par la force.
- 1959 : des émeutes éclatent à Kinsasha (Léopoldville), la foule se mobilise pour l’indépendance du pays et attaque les symboles de la domination coloniale. Ces émeutes connaîtront une répression très sévère.
- 30 juin 1960 : après de nombreux affrontements conduits par un front uni composé des différents courants indépendantistes, le Congo obtient son indépendance. Joseph Kasavubu devient le premier président du Congo indépendant et nomme comme Premier ministre Patrice Lumumba, l’un des indépendantistes congolais les plus célèbres, tant pour la radicalité de sa lutte que pour son assassinat dans lequel des autorités belges étaient impliquées.
La condition des femmes dans les colonies
Si la colonisation constitue, par essence, une violence raciste à l’endroit des peuples colonisés, elle se double toujours de violences sexuelles et patriarcales pour les femmes colonisées. Citons, entre autres, le contrôle de la sexualité des femmes qui semble être l’une des obsessions structurelles des puissances coloniales. Ainsi, dans la première phase de conquête de la colonisation du Congo, le corps des femmes symbolise autant le "butin de guerre" dont s’emparent, de gré ou de force, les colonisateurs belges qu’un message de domination masculiniste adressé aux hommes congolais. Dans la seconde phase de la colonisation visant l’accomplissement de la mission civilisatrice, l’administration coloniale entreprend de "civiliser" la prétendue "hypersexualité" des Congolais.e.s : la famille congolaise sera refaçonnée selon les normes belges qui prévalent à l’époque en matière de sexualité, conjugalité et parentalité, instituant l’autorité masculine comme centrale et légitime à l’exclusion de toute autre. Tranchant radicalement avec les structures sociales précoloniales qui accordaient un certain pouvoir aux femmes, cette restructuration forcée des rapports de genre aura des conséquences sur les relations hommes femmes durant la colonisation mais alimentera un imaginaire colonial produisant nombre des stéréotypes dont souffrent, encore aujourd’hui, les Congolaises et les Congolais.
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Hassina Semah est sociologue et psychologue clinicienne, spécialisée dans les violences conjugales et interculturelles. Elle est major de la première promotion du master francophone de spécialisation en études de genre. Elle est également membre des collectifs féministes " Resisters " et " Collecti.e.f 8 maars ".