Un regret qu'avait déjà exprimé le professeur Yves Coppieters sur le plateau du JT: " se baser uniquement sur les tendances n’est pas suffisant. Les deux choses sont importantes, les tendances sont importantes pour voir la dynamique de l’épidémie […] mais les nombres absolus par jour sont aussi importants car une épidémie ça se gère au jour le jour".
Alors qu'est-ce qui a changé et comment Sciensano le justifie-t-il?
Auparavant, Sciensano communiquait le nombre de cas diagnostiqués repris dans l'addition des différents rapports reçu lors des dernières 24 heures.
Mais l'Institut se base désormais sur des moyennes, basées sur les données consolidées et non plus sur les données rapportées au cours des dernières 24 heures. Ce qui génère une latence de trois ou quatre jours dans les chiffres quotidiens.
Pourquoi? Parce que les rapports reçus concernent des diagnostics posés depuis 1, 2, 3, 4 jours, voire plus.
"La plupart des résultats que l’on reçoit ont été diagnostiqués il y a quelques jours. On essaye de remonter à la date la plus ancienne, si possible à la date des premiers symptômes", indique Brecht Devleesschauwer. Mais, "il y a une différence entre le rapport et la date de l’événement", pointe l’épidémiologiste.
De plus, Sciensano a décidé de se reporter aux "cas diagnostiqués" et non plus seulement au moment où ils sont rapportés. Ce qui avait du sens dans l’urgence mais plus maintenant, explique André Sasse, docteur de l’institut. .
Ainsi, on aurait aujourd’hui une photographie de l’épidémie plus juste mais seulement une fois que les chiffres ont été consolidés. Donc on peut avoir une vision précise de la situation d’il y a quatre jours... mais uniquement quatre jours après.
Quant à la moyenne par semaine, c'est "pour gommer les effets du week-end", précise André Sasse. En effet, dit-il, "l’activité humaine", est moins importante pendant les week-ends et on observe des "pics" de contaminations certains jours. Et c’est aussi pour cela, dit-il que les données consolidées sont plus pertinentes. Car, "les variations journalières sont trop importantes".
Scientifiquement, c'est correct. Les chiffres donnés sont plus "précis". Mais pas plus compréhensibles. Et surtout, permettent-ils assez de réactivité?
Quant à la répartition géographique, même si elle n'est pas communiquée, André Sasse explique que "l’information est analysée par commune. S’il y a une augmentation les communautés sont averties directement. Cette fois-ci on ne se base plus sur les chiffres consolidés, mais directement dès qu’on a l’information". Plus de latence donc. Là, on se réfère aux cas rapportés et non consolidés, face à l’urgence.
Par contre, pour une décision importante comme un reconfinement à l'échelle du pays, "là on se baserait sur des données consolidées", indique l’expert. Et d’ajouter, "pour décider d’un rebond, il s’agit d’un ensemble d’information qui demande une série d’analyses. Et qu’est-ce qu’on appelle un rebond ou encore une vaguelette ?"
On a besoin d'un système de surveillance précoce
Pour l'épidémiologiste, ex- porte-parole du centre interfédéral de crise, Emmanuel André "nous avons besoin d'un système de rapportage et de surveillance extrêmement précoce, extrêmement plus précis. On veut savoir exactement où les contaminations ont eu lieu, dans quel groupe d'âge pour être capable de réagir d'un jour à l'autre. Si on a ttend une semaine pour se rendre compte qu'il y a eu une évolution et qu'on lisse cette évolution à travers les jours et dans le temps alors on va rater l'identification d'un groupe où le circule déjà".