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Ibrahim Maalouf : "On est là pour chercher, s’entraider les uns les autres pour réussir à trouver des solutions"

© Editions des Equateurs

"Faites ce que vous voulez !" C’est à partir de ce mantra que le musicien, compositeur et producteur Ibrahim Maalouf ouvre ses cours d’improvisation. Pourquoi est-il si urgent de renouer avec l’art d’improviser ? Un enfant invente naturellement avec plus de liberté qu’un adulte. Cette liberté pourtant se perd au fil de nos apprentissages. Or, au-delà de la musique, l’improvisation est une véritable philosophie de vie, de connaissance de l’Autre et de soi, de dépassement de nos peurs et de l’inconnu.

Ibrahim Maalouf est l’auteur de Petite philosophie de l’improvisation, aux Éditions des Équateurs. La création musicale, sa double culture -libanaise et française-, son histoire personnelle, son rôle de fils et de père, de professeur, ses rencontres, les joies et les tragédies qui façonnent la vie ont encouragé cette réflexion. Un livre qui ne s’adresse pas qu’aux musiciens mais à chacun d’entre nous !

La vie est faite d’imprévus

Improviser, c’est ne pas prévoir, c’est avancer sans connaître le chemin, c’est faire face à l’imprévu.

"Quand on improvise musicalement, on n’a aucune idée de ce qu’on va jouer. Donc tout est complètement imprévu et on construit au fur et à mesure. Et c’est une manière de créer que j’affectionne particulièrement. J’ai toujours composé de cette manière-là, depuis tout petit. Et puis surtout, je me rends compte que la vie est jonchée de pièges, d’imprévus. C’est quelque chose qui est compliqué quand on n’a pas été préparé à cela, quand on n’a pas appris à se débrouiller dans cette forêt d’imprévus."

L’improvisation musicale nous apprend à gérer ces imprévus dans la vie en général en société.

Ibrahim Maalouf a eu la chance, grâce à sa mère, de pouvoir être autodidacte au piano et s’amuser librement avec la musique.

La musique lui a permis aussi de guérir de la douleur et la dureté de la guerre à Beyrouth, qu’il a pu exorciser à travers une sorte d’incantation, composée à l’âge de 12 ans.

Valoriser l’erreur

L’improvisation est liée aussi à la notion d’erreur. On dit que l’erreur est humaine, mais il n’y a aucun moment dans notre scolarité où on concrétise ce dicton. L’erreur est constamment sanctionnée. A part les parents parfois, quand ils sont bienveillants, ou certains profs exceptionnels, à aucun moment, on ne nous dit : ce n’est pas grave si tu te trompes, ce qui compte, c’est que tu cherches.

C’est tellement dommage de ne pas valoriser la recherche, l’erreur, le fait que nous sommes des humains, et qu’en tant qu’humains, on n’a pas toujours la réponse ou la solution à tout, et qu’on est là pour chercher, s’entraider les uns les autres pour réussir à trouver des solutions.

Sortir des codes

L’improvisation a toujours fait partie de la vie d’Ibrahim Maalouf, comme dans celle de chacun d’entre nous.

Il explique : lorsque nous arrivons sur terre, nous sommes déjà de très grands improvisateurs. Tout ce qui est autour de nous est nouveau. Nous sommes face à l’imprévu. Quand on voit un bébé évoluer, on le voit s’adapter constamment à tout ce qu’il voit, à tout ce qu’il goûte, à tout ce qui se passe autour de lui. Avec le temps, cela se perd, parce que l’éducation, nos parents, l’école, nous donnent un certain nombre de codes, de cadres qui deviennent parfois nos dogmes, parfois des croyances qu’on refuse de remettre en question. Au fur et à mesure de l’avancée de nos vies, on est de plus en plus certain que les codes qu’on nous a appris ne doivent plus être transformés.

On refuse, parce que c’est comme ça qu’on a été éduqué, de s’octroyer le droit de se construire soi-même les codes dans lesquels nous vivons et ceux que l’on veut offrir à nos enfants demain. C’est dommage parce que ça peut nous ouvrir énormément de portes pour l’avenir, sur le vivre ensemble, les choix de société ou les choix politiques.

L’improvisation en temps de crise

Avec le Covid, on s’est rendu compte qu’il n’y avait que deux véritables solutions à cette crise, explique Ibrahim Maalouf. Improviser tous ensemble, parce que personne n’avait prévu tout cela. Et la solidarité, n’en déplaise aux gens qui hurlent aux théories du complot et recherchent les clashes.

Je trouve très inquiétant le fait que les gens ne croient plus aujourd’hui en ce compromis qui consiste à ne pas pouvoir tout bien faire mais à essayer de faire de notre mieux. Ils veulent quelqu’un qui règle tous les problèmes avec une solution miracle. Or, il n’existe pas de solution absolue.
 

Le vivre ensemble peut passer par la musique, nous dit aussi Ibrahim Maalouf.

Il nous parle ici de son dernier album, First Noël, écoutez…

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