Votre album s'ouvre sur un morceau intitulé "Sangoma". De quoi s'agit-il au juste ?
Lisa-Kaindé: L'année dernière, j'ai suivi un module universitaire intitulé "Rhythm, Race and Revolution". Ce programme se penche sur le rôle transformateur que joue la musique dans la société (féminisme, décolonisation, mouvements de libération et autres luttes contre le racisme). C'est lors d'un cours dispensé par la chercheuse Aditi Jaganathan que j'ai découvert ce terme. Elle évoquait la révolution noire en Afrique du Sud et le rôle joué par les Sangoma : des guérisseurs qui soignent les corps, mais aussi les âmes. Une légende raconte que lorsqu'un Sangoma refuse son rôle, il tombe lui-même malade. En gros, ils sont obligés d'accepter leur destinée. J'aimais cette idée, cette nécessité de suivre sa voie, d'accepter son destin. Puis, il y a aussi l'idée que la musique peut, elle aussi, soigner le corps et l'esprit.
La personnalité d'Ibeyi tient beaucoup à votre gémellité. Pourtant, depuis peu, vous vivez séparément, entre Londres et Paris. Cette relation longue distance affecte-t-elle votre processus créatif ?
Naomi: Le fait d'être séparées l'une de l'autre, déjà, ça nous donne envie d'être ensemble. La séparation nous permet aussi de mieux réfléchir à ce que nous voulons partager à deux, au sein d'Ibeyi. Habiter à distance, c'est une source de stimulation et d'émulation positive.
Lisa-Kaindé: L'envie de plaire à l'autre est effectivement décuplée. Quand je retrouve Naomi, j'ai envie de la surprendre, de l'emmener vers des territoires inconnus. Depuis le début de l'aventure, Ibeyi nous donne l'opportunité de croiser nos personnalités et de partager nos univers respectifs.
Jusqu'ici, tout semble vous réussir à Ibeyi. Vous êtes apparues dans le documentaire sur Beyoncé, Angèle a assuré la première partie de vos concerts. Adele, Quincy Jones ou Erykah Badu comptent parmi vos fans. Partant de là, que peut-on vous souhaiter pour 2023 ?
Lisa-Kaindé: Si on essayait d'écrire cette histoire à l'avance, elle serait sans doute moins bien dans la vraie vie. Je préfère donc ne rien nous souhaiter de particulier. Le mieux que nous puissions faire, c'est rester ouvertes à l'inconnue, aux rencontres et, surtout, continuer de travailler. Car tout ce qui nous arrive n'est pas le fruit du hasard. Ce sont d'abord des heures et des heures d'investissement dans le groupe. Mais, pour sûr, ce sont des heures que nous ne regretterons jamais.