Un jour dans l'histoire

Histoire - Le Grand Tour des aristocrates en Europe

Le "Grand Tour" du poète britannique Lord Byron

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Au 17e siècle, l’aristocratie anglaise lance la mode du Grand Tour. Il s’agit d’un long périple éducatif à travers l’Italie, la France et le reste de l’Europe, que tout 'gentleman' se doit de faire dans sa jeunesse s’il en a les moyens. Ce voyage, huppé et cosmopolite, atteint son apogée au siècle suivant, au temps des Lumières. Retour sur cette tradition avec Marcel-Etienne Dupret, guide/conférencier.

Le Grand Tour aiguise les perceptions individuelles et affine le goût… à moins de n’être quun prétexte à traîner loin de chez soi la débauche et l’ennui. Il marque ainsi en profondeur les manières, la sensibilité, les lettres et les arts du 18e siècle, de l’architecture à la peinture en passant par la sculpture et la décoration des jardins. Il donne enfin naissance au 'tourisme' d’aujourd’hui.


Marcel-Etienne Dupret donnera une conférence intitulée Le Grand Tour. Ruines, diligences & gentlemen,
ce samedi 21 mai au château de Seneffe.
Sur les traces d’un gentilhomme qui va emprunter, tout naturellement, l’itinéraire suivi par la plupart des grands nobles de l’époque et perpétuer ainsi la tradition du Grand Tour.


 

Le Grand Tour, c’était quoi ?

Jusqu’au développement du Grand Tour, le voyage a un but essentiellement pratique :

  • les voyages commerciaux, de foire en foire, pour trouver des marchandises à ramener au pays.
  • le voyage religieux et en particulier le pèlerinage, qui amenait notamment à Rome.
  • le voyage culturel. Les humanistes, à partir du 15e siècle, multiplient les voyages vers l’Italie, la France, notamment à la recherche des traces de l’Antiquité.

Le Grand Tour est ce voyage, initiatique à beaucoup d’égards, que doivent pratiquer les jeunes nobles de l’aristocratie européenne, surtout anglaise, au 18e siècle, précise Marcel-Etienne Dupret. Ce voyage les entraîne à découvrir l’Europe, en particulier la France et surtout l’Italie. Les autres pays d’Europe sont parfois visités, l’Allemagne, les Pays-Bas,… mais à titre secondaire.

Si le Grand Tour a autant la cote au 18e siècle, c’est à cause du niveau extrêmement bas des universités, en particulier en Angleterre. Les enseignants ne sont pas à la hauteur et les aristocrates s’en plaignent.

Souvent accompagnés d’un précepteur, d’un serviteur, parfois même d’une véritable suite, les jeunes nobles partent découvrir le monde.

L’Italie, à l’époque, a une aura exceptionnelle, en raison de son passé antique, du prestige de la Renaissance et de ses grands maîtres, et de ses paysages extraordinaires, largement évoqués par les peintres des Temps modernes.

Un voyage cher et très organisé

Ce Grand Tour est clairement réservé à une population qui a des moyens. On parle de plusieurs milliers de livres par an, ce qui est une somme énorme pour l’époque. Ce sont les parents du jeune noble qui financent le voyage.

Il faut se munir d’un passeport, d’un certificat de santé. Il faut aussi emporter de nombreuses cartes et plans. L’Europe est divisée. L’Italie, en particulier, n’est pas unifiée, elle est composée de multiples petits Etats avec des frontières qui fluctuent au gré des accords politiques, des héritages…

Les guides de voyage sont essentiels pour savoir où trouver une auberge convenable, un relais pour changer de chevaux, etc… Il faut emporter boussole, compas, nécessaire d’écriture, coffret de médecine, vitriol pour purifier les eaux malsaines, lavande pour chasser les punaises, nécessaire à café, pistolets, épées…

Un long voyage

L’itinéraire, au départ de l’Angleterre, consiste d’abord à prendre la diligence jusqu’à Douvres. De là, il s’agit de traverser en bateau l’English Channel.

Une fois en France, les plus fortunés louent une voiture particulière pour une partie du voyage, à restituer au retour à Douvres ou à Calais. D’autres vont recourir aux moyens locaux, à savoir les diligences, côtoyer ainsi les différentes couches de population et voyager sans confort. Les clichés et les idées reçues sont bien ancrés de part et d’autre de la Manche. Les Anglais suscitent parfois l’hilarité. Et réciproquement.

L’Englishman visite Paris et ses lieux culturels, il visite Versailles, il découvre le gai Paris, il se choisit de nouvelles tenues pour être à la mode du jour. Il part ensuite pour Lyon, Avignon, Arles, Nîmes, Marseille, où il visite les vestiges romains.

Le passage des Alpes est redoutable, il faut éviter les bandits et certains chemins ne sont guère praticables. Il faut, dans certains cas, faire démonter la voiture et la faire transporter par des mulets, tandis que l’on progresse en chaise à porteurs.

Ensuite, direction Venise, surnommée à l’époque 'le bordel de l’Europe', l’occasion pour les jeunes Anglais de faire des expériences qui auraient de lourdes conséquences sociales sur leur sol natal.

A Rome, on visite le Colisée, les églises. Mais surtout on se fait peindre par Pompeo Batoni, le peintre de la noblesse !

Puis on passe par Naples, Pompéi, Herculanum, le Vésuve…

On ne commencera à penser à l’Orient qu’au milieu du 18e siècle et le grand développement de l’orientalisme se fera au 19e siècle.

La fin d’une époque et le début d’une autre

La tradition du Grand Tour décline dans la première moitié du 19e siècle, pour 3 grandes raisons, explique Marcel-Etienne Dupret.

  • la Révolution française
  • la révolution des transports, avec le bateau à vapeur, d’abord, et surtout avec le chemin de fer, à partir du milieu du 19e siècle, qui permettent d’aller plus loin pour moins chee
  • et enfin l’arrivée de Thomas Cook, à partir du milieu du 19e siècle

Thomas Cook est le premier grand créateur de voyages de groupe et donc le véritable créateur du tourisme au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Ces voyages ont un temps plus limité : 15 jours, 1 mois, 2 mois, contrairement au Grand Tour qui faisait 1, 2, voire 3 ans. Ces voyages de masse s’adressent à toutes les classes qui en ont les moyens. Il s’agit donc uniquement d’une question d’argent et non plus d’une question de statut social. Et ce nouveau genre de voyage ne va pas plaire du tout aux aristocrates…

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