Des bibles brûlées, des salles de prière incendiées : l'Eglise évangélique presbytérienne de Khartoum n'est plus qu'un champ de ruines ce matin. Des arbres ont aussi été arrachés au bulldozer, la salle de formation des évêques complètement saccagée. Ces violences, le pasteur Kodi les attribue à des extrémistes musulmans. Quand une foule de plusieurs centaines de personnes s'est présentée samedi devant son église, il n'a pu que constater les dégâts.
Les chrétiens ne se sentent plus en sécurité à Khartoum. L'Islam y est largement majoritaire comme dans tout le reste du Soudan, d'ailleurs. Au Sud-Soudan, par contre, la population est en grande majorité chrétienne ou animiste. Dès l'indépendance du pays en juillet dernier, de nombreux chrétiens qui vivaient au Nord avaient choisi de migrer.
Cette attaque d'une église en plein cœur de la capitale soudanaise marque une nouvelle escalade de violence dans le conflit qui oppose les deux pays depuis plusieurs mois. Elle fait suite à la reprise d'Heglig par le Soudan, une région frontalière riche en pétrole. Les soldats du Sud l'ont occupée pendant une dizaine de jours, ils se sont retirés vendredi. Khartoum affirme que ses troupes ont remporté une victoire militaire, mais le Sud-Soudan dit avoir simplement respecté les demandes de la communauté internationale.
Peu importe finalement, car ce retrait est considéré au Nord comme une victoire éclatante : de véritable scène de liesse populaire ont agité Khartoum ces derniers jours. " Allah-O-Akbar ", " Dieu est le plus grand ", scandait la foule. Car à l'exaltation nationaliste se mêle désormais un tout autre discours : celui du radicalisme religieux. Des témoins rapportent que plusieurs imams à travers la ville ont présenté le conflit actuel comme guerre sainte. L'Eglise du pasteur Kodi, la plus grande du pays, était propriétaire de son terrain depuis plus d'un siècle mais les autorités lui ont fait savoir qu'elle comptait le récupérer pour en faire une aire de jeu. Le pasteur réclame une enquête sur cette attaque mais son appel a peu de chance d'être entendu.