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Hep Taxi : la rock star ukrainienne, Sviatoslav Vakartchouk, leader du groupe Okean Elzy, en tournée mondiale et sur les lignes de front

Sviatoslav Vakartchouk, leader du groupe ukrainien Okean Elzy dans Hep Taxi

© Martin Godfroid

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Par Laure Verheye

25 ans qu’Okean Elzy bat des records de popularité en Ukraine et en Europe de l’Est. Son chanteur, Sviatoslav Vakartchouk est une véritable idole dans son pays. En qualité d’icône musicale mais aussi en tant qu’ex-figure politique pro-occidentale. C’est armé de sa guitare et de ses chansons qu’il lutte pour sa patrie en guerre. Hep taxi a rencontré cet homme d’exception.

A travers la tournée mondiale " Help For Ukraine " d’Okean Elzy, Sviatoslav Vakartchouk en appelle au soutien de la cause ukrainienne. Les bénéfices de ces concerts sont reversés à des associations caritatives au profit des enfants, des combattants et des déplacés ukrainiens. Le rocker avait déjà laissé parler son cœur en 2005. Gagnant de la version ukrainienne de " Qui veut gagner des millions ? ", il avait investi son gain (271.280 euros) dans la reconstruction d’un orphelinat pour enfants atteints du sida situé dans le Donetsk occupé par les Russes depuis 2014.

La musique, l’arme de guerre de Sviatoslav Vakartchouk

Quand Sviatoslav, dit Slava pour les intimes, ne se produit pas à l’étranger, il joue au plus près des combats pour les soldats ukrainiens. Le 24 février 2022, les premières frappes russes s’abattent sur le territoire ukrainien. Pour le musicien comme pour ses concitoyens, la question de rejoindre les forces militaires est une évidence patriotique.

Mon frère et moi, on a rejoint l’armée au troisième jour de l’invasion. Je suis arrivé là en disant : " je veux servir là où c’est nécessaire. Je suis prêt à prendre les armes. Ils m’ont dit : "c’est super mais nous pensons que vous ferez plus avec vos mots et vos chansons". Alors, j’ai commencé à aller partout sur les endroits les plus touchés. D’abord, pour soutenir les civils. Dans les hôpitaux, les places centrales, dans les ruines, les sous-sols, les métros " raconte Sviatoslav Vakartchouk qui a même joué à Tchernobyl dans la centrale nucléaire pour les techniciens chargés de la maintenance pendant l’occupation russe.

Après la bataille de Kiev, l’artiste a compris que la guerre allait s’éterniser. Il est parti au front sans hésiter. Dans les tranchées ou les forêts, seul avec sa guitare, il enchaîne les représentations. Parfois jusqu’à vingt concerts par semaine.

" Il n’y a pas d’autres choix pour moi. C’est une question de sens moral. Quand vous y allez pour la première fois et que vous voyez les yeux de ces gens, la motivation et leur engagement pour le pays, vous voulez être avec eux parce que ces gens vous rendent meilleurs. Ils risquent leurs vies, leur santé, leur confort. Ils risquent tout mais ils le font. Je vais là, pas seulement pour les aider. Mais aussi comme source d’inspiration pour moi " explique Sviatoslav Vakartchouk.

De la musique à la politique et vice-versa

Musique et politique sont chez lui intiment liés. Cette dernière s’invite très tôt dans sa vie. Son père, Ivan Vakartchouk, prof de physique et recteur de l’Université de Lviv, fut élu en 89, député au parlement qui a dissous l’U.R.S.S. et a été ministre de l’Éducation de l’Ukraine indépendante de 2007 à 2010.

"Mon père faisait tellement figure d’autorité. Il était un tel modèle pour moi " confie Sviatoslav. Il marchera dans ses pas à une exception musicale près. Car comme lui, Slava est titulaire d’un doctorat en physique et siègera lui aussi au Parlement. "Un jour, j’ai compris que ce que je voulais vraiment faire, ce qui me rendait heureux, c’était la musique " déclare-t-il.

A 19 ans, il forme Okean Elzy (en français, Océan d’Elsa) dont le répertoire, des chansons d’amour exclusivement en ukrainien, prendra au fil des ans, une tournure plus politique. Véhiculant des valeurs pro-démocratiques, de justice sociale et d’affirmation identitaire ukrainienne, les titres du groupe ont été la bande-son de la révolution Orange de 2004 et des manifestations pros occidentales de Maïdan en 2013. La même année, Sviatoslav Vakartchouk devient membre du jury à The Voice Ukraine et ce pendant plusieurs saisons.

Sviatoslav Vakartchouk, l’homme politique

Formé en sciences politiques et au leadership à Yale et à l’Université de Standford aux Etats-Unis, Sviatoslav Vakartchouk fut élu député parlementaire par deux fois. A 32 ans, dans les rangs du parti, Bloc Note Ukraine de Viktor Iouchtchenko dont démissionne un an plus tard, en 2008, dégoûté par le système de gouvernance du pays. Et en 2019, avec Holos (La Voix), le parti libéral pro-occidental qu’il a fondé pour lutter contre la corruption et l’oligarchie. Sa formation dépoussière littéralement la politique avec des représentants issus de la société civile, économique, sociale et militante.

J’ai aussi montré à la population que l’on peut faire quelque chose en politique sans avoir besoin de s’accrocher au pouvoir " dit Sviatoslav Vakartchouk. Si notre homme quitte la politique en 2020 pour se concentrer sur la musique. Cela ne l’empêche pas d’exprimer haut et fort son souhait d’adhérer à l’Europe et à l’O.T.A.N. qui sont " des buts en soi pour les Ukrainiens […] deux clubs pour qui la dignité et la liberté sont des valeurs de base. C’est pourquoi nous voulons rejoindre ces clubs " précise-t-il.

L’Occident comme révélateur d’un monde libre

L’attrait pour l’Europe et le monde libre est ancré dans l’enfance de Sviatoslav Vakartchouk. A l’âge de 5 ans, il fréquente une école anglaise où il découvre la culture anglo-saxonne. " On avait cette chance. On plaisantait toujours sur le fait qu’ils entraînaient de futurs espions. Heureusement, l’union soviétique s’est effondrée quand j’avais 15 ou 16 ans " raconte Slava.

A cette époque, le jeune homme fait son premier voyage à l’Ouest. Au Canada, il assiste à un concert des Rolling Stones. Ce qui déclenche chez lui, une boulimie de musiques venues d’Angleterre et d’Amérique. Après la confrontation au mode de vie occidental, c’est l’électrochoc dès son retour sur le tarmac à l’Est. " J’ai vu ces deux mondes différents et je me suis promis que la liberté et la dignité seraient mes valeurs. Et je n’ai jamais abandonné " déclare Sviatoslav Vakartchouk. Un combat aujourd’hui partagé par ses compatriotes.

Retrouvez Sviatoslav Vakartchouk, ce dimanche 14 mai dans Hep Taxi à 22h45 sur La Trois et en replay sur RTBF Auvio !

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