La grande histoire du sport belge fourmille d’histoire de famille. Hanne et Stijn Desmet sont en train d’en écrire un nouveau chapitre. Le short-track est une discipline relativement confidentielle mais avec les résultats de ce duo-là, elle se retrouve sous la lumière des projecteurs. Même si pour atteindre le top mondial les deux Malinois ont dû s’expatrier.
Le short-track, c’est une idée de Stijn, le cadet. "Et Hanne a suivi", sourit-il. "C’est spectaculaire, rapide, chouette, c’est un défi permanent. J’aurais rapidement pu m’ennuyer à aligner les tours sur la grande piste. Surtout quand j’étais jeune. J’ai directement trouvé le short track plus sympa, plus excitant", rembobine-t-il. Rapidement l’horizon belge s’est avéré trop restrictif.
Ils ont mis le cap au Nord. Direction le Thialf, un temple du sport néerlandais. C’est là que bat le cœur du patinage, c’est là que les Pays Bas façonnent leurs champions. Ceux qui dominent sur toutes les patinoires du monde. C’est là aussi que depuis cinq ans Hanne et Stijn Desmet sont venus poser leurs valises.
"A ce moment, le short-track en Belgique était un peu dans un creux. Il n’y avait plus d’infrastructure. Quelque part, nous devions rejoindre un autre pays", explique Stijn.
"Ça a été très important de venir aux Pays-Bas. Je peux maintenant m’entraîner avec les meilleures femmes du monde. J’ai une grande équipe autour de moi et des bonnes infrastructures. C’est essentiel en short track", souligne Hanne, médaillée de bronze aux JO de Pékin en 2022. "Tu n’es plus seul dans ton coin à chercher ce qui est le mieux. Tu dois seulement suivre, apprendre et t’améliorer. En t’entraînant tout le temps à ce niveau, tu progresses", complète son frère.
"Ce n’est pas fréquent de voir un frère et une sœur suivre une trajectoire aussi similaire"
Et les Desmet sont de "bons élèves". Arrivés sur la pointe des pieds, ils les regardent désormais les stars néerlandaises les yeux dans les yeux. Fini le rôle de sparring-partner, ils s’érigent désormais en véritables rivaux. Mi-janvier, ils décrochent cinq médailles de l’Euro de Gdansk. Avec en apothéose, leurs premiers titres européens. Tous les deux voulaient "goûter à la victoire" cette saison. Ils l’ont fait le même jour le même jour, sur la même distance.
"Ce n’est pas fréquent de voir un frère et une sœur suivre une trajectoire aussi similaire. Je fais de bonnes choses, Stijn fait de bonnes choses. Toutes les saisons, nous avons presque toujours fait les mêmes résultats. Je ne sais pas vraiment d’où cela vient. D’une part nous avons tous les deux un certain talent. Mais oui, cela apporte de la motivation. Tu vois que l’autre peut le faire et c’est sans doute aussi bien pour ta confiance en toi", analyse Hanne, première Belge à remporter une manche de Coupe du monde.
"C’était très spécial. J’ai tout de suite vu que Hanne était dans un bon jour. Mes premiers tours ont été un peu plus difficiles mais je suis passé. Et puis j’ai vu Hanne gagner. J’étais super heureux. C’est parfois difficile de voir ses compétitions quand je suis moi-même engagé. Mais ça, s’est bien passé. Je suis venu au bord de la piste, j’ai sauté et j’ai applaudi après sa victoire. Et puis je me suis directement reconcentré sur ma course. Et ça s’est aussi bien passé. Faire des résultats si semblables, c’est fantastique. Son titre a été un boost. Je n’y ai pas vraiment pensé sur le moment. Mais j’étais heureux et je pense que c’est toujours bien d’arriver sur la ligne de départ avec le sourire", explique le double médaillé de bronze des derniers mondiaux.
L’osmose de la fratrie crève les yeux. Hanne et Stijn se complètent dans la vie comme sur la glace. En fusionnant les deux, on obtiendrait pratiquement le short trackeur idéal.
"Mes capacités physiques sont ma plus grande force. J’ai toujours de la force à la fin", glisse l’aînée. "Elle n’est jamais fatiguée", insiste son frère.
Mais Stijn a aussi ses qualités. "Je pense que tout le circuit du short track trouve que Stijn est le "moves maker" le plus cool. Il peut bondir, il voit les petits espaces. Stijn peut faire de très beaux dépassements", assure Hanne. "C’est un super compliment. Parce que ces "moves", c’est qui m’a attiré dans le short-track et ce que je préfère. Je peux facilement générer de la vitesse. J’ai aussi une très bonne vitesse de pointe. C’est aussi une question d’oser et de sentir quel peut être la bonne manœuvre à faire. Ça fonctionne de temps en temps plutôt bien".
Hanne s’inspire visiblement de son frère. A l’Euro, ils ont tous les deux décroché l’or après des manœuvres audacieuses dans le dernier tour.
"D’un point de vue extérieur, cela peut paraître fou que les Néerlandais nous aident à être bons"
Avec ces titres, Stijn et Hanne confirment qu’ils appartiennent à présent au top mondial. Les deux short trackeurs sont fiers du chemin, mais pas rassasiés. "Gagner un titre mondial avec Hanne, ce serait très beau. Les JO sont encore loin (2026) donc je pense que c’est un peu compliqué d’en parler. Mais pouvoir patiner de manière aussi dominante aux JO qu’aux championnats d’Europe, ça serait fantastique. Nous devons encore progresser pour cela mais je crois que nous avons tous les deux le potentiel pour nous améliorer".
Cette progression passera encore par les Pays-Bas. Même si chez nos voisins certains commencent à s’interroger sur cette collaboration. Un pays qui bonifie ses concurrents, c’est vrai que la situation peut paraître paradoxale.
"Les journalistes posent parfois la question aux Néerlandais : "est-ce que vous voulez encore de ces Belges dans l’équipe ?" D’un point de vue extérieur, cela peut paraître fou que les Néerlandais nous aident à être bons. Mais vu de l’intérieur, on s’entraide", affirme Stijn.
"L’équipe ici me voit comme une coéquipière. Que je porte une combinaison belge n’a pas d’importance pour eux. Ils ne veulent toute façon pas perdre face à leurs équipiers. Ce n’est donc pas très différent", précise Hanne.
Cette mentalité de vainqueur, Hanne et Stijn l’ont aussi bien intégrée. Ils s’en nourrissent au quotidien pour bâtir leurs succès.
