CQFD, Ce Qui Fait Débat, en mode grand entretien : 25 minutes quotidiennes avec un.e spécialiste, pour vous aider à mieux comprendre la crise du coronavirus, mais aussi pour vous permettre de poser toutes vos questions (via l’adresse mail cqfdrtbf@rtbf.be). Notre invitée, ce mardi : Hafida Bachir, Secrétaire politique de Vie Féminine.
Les violences faites aux femmes sont en pleine augmentation en cette période de confinement. Les lignes d’écoute téléphonique et de signalement sont saturées partout en Belgique. Le nombre d’appels au 0800/30.030 (Écoute violences conjugales) a doublé ces dernières semaines, un renforcement des équipes a été nécessaire. En Flandre, le nombre d’appels au 1712 a augmenté de 70% entre la première et la quatrième semaine de confinement.
Dès l’annonce du confinement, des femmes ont témoigné de leur crainte de devoir rester 24h sur 24 avec quelqu’un qui était déjà violent avant
C’est tout sauf une surprise pour Hafida Bachir : "Dès l’annonce du confinement, on a alerté. Très vite, des femmes ont témoigné de leur crainte de devoir rester 24h sur 24 avec quelqu’un qui était déjà violent avant". Et puis, le confinement révèle des violences qui n’étaient pas perçues comme tel avant "des violences économiques ou psychologiques détaille par exemple Hafida Bachir. Elles peuvent se transformer en violences physiques à cette occasion. Ça a donc malheureusement précipité les craintes que nous avions".
Vie Féminine a notamment observé ce qu’il se passait en Italie, confinée avant la Belgique, pour anticiper les effets attendus de cette quarantaine chez nous. "En Italie, il y a eu plusieurs meurtres de femmes, des féminicides. C’est pour ça qu’il faut protéger les femmes particulièrement en cette période".
Le gouvernement fédéral ne prend pas ses responsabilités
Pour lutter contre l’augmentation de ces violences, une conférence interministérielle nationale a été mise en place. Des associations de terrain ont d’ailleurs formulé une série de pistes et de mesures concrètes à prendre. Plus tôt, des mesures avaient déjà été prises par les régions et les communautés au sein d’une task force. "De l’excellent travail avait déjà été fait par cette task force, des campagnes de sensibilisation ont été lancées, des places d’accueil ont été ouvertes, salue la Secrétaire politique de Vie Féminine. Mais c’est insuffisant. A présent le fédéral doit s’engager. Dans les mesures annoncées au niveau national on ne trouve que de la sensibilisation. Ce n’est pas ce que nous attendons, nous voulons des mesures beaucoup plus concrètes de la part du fédéral. Nous demandons des engagements du ministre de l’Intérieur responsable de la police et le ministre de la Justice".
Il faut une politique coordonnée et cohérente
Vie Féminine demande donc une politique nationale coordonnée : "Sans coordination, on n’arrivera jamais à travailler de manière efficace parce qu’on est dans un pays où il y a différents niveaux de pouvoir, chacun a des compétences nécessaires dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Il faut que tous se coordonnent. Le groupe de travail qui s’est réuni la semaine passée sur le sujet, ils étaient 12 ministres autour de la table. Vous imaginez le jour où l’on devra parler de l’ensemble des droits des femmes ?"
Police plus proactive
Certaines zones de polices n’ont pas attendu d’instructions fédérales pour prendre les devants. La zone de Bruxelles-Nord par exemple a repris contact récemment, par téléphone, avec toutes les personnes ayant déposé plainte pour violence conjugale ces trois derniers mois. "Malheureusement ces initiatives ponctuelles relèvent de la bonne volonté des zones de police ci et là" déplore Hafida Bachir.
Dans ce domaine-là aussi, elle demande une politique globale et cohérente : "Il faut donc plus de pro activité de la part de la police mais aussi plus de moyen. Aujourd’hui les policiers doivent faire toute une série de contrôles et n’ont pas les moyens de retourner voir des femmes victimes de violence, d’être à l’écoute des voisins, d’aller voir là où il n’y a pas encore eu de violence…".
Manque de moyen
Finalement, pour Hafida Bachir, malgré la mobilisation des derniers jours dans le domaine la lutte contre les violences faites aux femmes, la situation n’a pas tellement évoluée parce que les moyens manquent. "L’augmentation des violences en confinement se greffe sur une situation qui était déjà problématique. Les centres d’accueil de femmes victimes, par exemple, étaient déjà saturés avant le confinement. Il faudrait consacrer 2% du PIB aux violences contre les femmes, on en est loin. Le fédéral doit dégager des moyens. On ne sait même pas combien le gouvernement consacre à cette politique".