Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : les livraisons d’armes se poursuivent et devraient s’intensifier, le point sur ce qui est acquis et ce qui coince

Allemagne : les alliés coordonnent l aide militaire à l Ukraine

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Par Pascal Bustamante

Avec le printemps, une contre-offensive ukrainienne est de plus en plus probable. Elle est, en tout cas à mots couverts, annoncée par Kiev.

Dans cette perspective, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ne cesse de presser ses alliés occidentaux de fournir plus d’armes et plus de munitions. Plus de matériel et plus de soutien. Les livraisons de matériel sont en cours ou annoncées. Des éléments du programme de livraison ont été dévoilés, y compris dans des fuites émanant du Pentagone. D’autres sont officiels. En priorité, les problématiques de défense aérienne et les munitions. Les alliés de l’Ukraine, une cinquantaine de pays, sont plus réservés sur la fourniture d’avions et de missiles à longue portée. Le matériel blindé est, quant à lui, majoritairement en phase de livraison.

Défense antiaérienne

Une batterie de missiles anti-aériens près de Sloviansk le 11 mai 2022.
Une batterie de missiles anti-aériens près de Sloviansk le 11 mai 2022. © Yasuyoshi Chiba – AFP

C’est un chapitre essentiel du dispositif de la défense ukrainienne. Jusqu’à présent, l’armée de Kiev est arrivée à préserver une sorte de statu quo. Le problème principal est le maintien de ce système de défense.

De nombreuses composantes de ce dernier sont de conception soviétique. Les munitions sont produites aussi en Russie, qui, de toute évidence, ne livrera pas l’Ukraine. Les ingénieurs militaires ukrainiens ont déjà commencé à adapter des munitions occidentales sur des systèmes de tirs de conception soviétique.

Mais pour résoudre le problème de la raréfaction des munitions antiaériennes, selon Samuel Longuet, chargé de recherche au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix au moment, la solution est à chercher dans le remplacement, au moins partiel de modules de défense.

"Quant aux munitions, l’autre façon, c’est tout simplement que ce soient des systèmes entiers occidentaux qui remplacent des systèmes entiers d’origine soviétique. Mais là, le problème qui se pose, c’est de savoir quel nombre les Occidentaux peuvent se permettre de donner sans trop dégarnir non plus leur propre couverture. On parle beaucoup, notamment des Nasams qui sont ces systèmes à moyenne portée et qui ont l’immense avantage de tirer le missile AIM-120 Amram qui est en fait un missile air air à la base, mais qui moyennant quelques modifications, peut être tiré depuis le sol par un système d’Adams. Et ça, c’est l’un des missiles des missiles de longue portée les plus répandus dans les arsenaux occidentaux. Donc les stocks sont là ".

Défense antiaérienne low cost

Systèmes antiaériens légers livrés à l’Ukraine le 1er avril 2023
Systèmes antiaériens légers livrés à l’Ukraine le 1er avril 2023 © Roman Pilipey – Getty Images

Par ailleurs, l’organisation du système de défense antiaérien ukrainien doit aussi poursuivre une logique économique. C’est pourquoi l’Ukraine privilégie aussi des approches à bas coût.

 C’est tout simplement une question d’efficacité de la défense antiaérienne, c’est-à-dire qu’on essaye de développer aussi des systèmes à bas coût. Comme tout simplement des mitrailleuses avec des organes de visée un peu plus développés ou des tourelles qui pourraient être braquées automatiquement sur un drone de façon à ce qu’on n’ait pas à dépenser un missile extrêmement cher pour abattre un petit drone iranien comme le Shahed 136 qui coûte 20.000 € alors qu’un missile Patriot coûte 1 million d’euros".

Avions

Avions de chasse Mig 29 polonais transférés à l’Ukraine le 3 avril 2023
Avions de chasse Mig 29 polonais transférés à l’Ukraine le 3 avril 2023 © Radoslaw Jozwiak – AFP

Le président Zelensky réclame aussi la livraison d’avions de combat. La Slovaquie et la Pologne ont déjà commencé à livrer des Mig-29, de conception soviétique. Une livraison qui va donner un avantage à l’aviation ukrainienne mais celui-ci, selon Samuel Longuet, n’est pas déterminant.

"Le problème n’est pas tant quantitatif au niveau de la guerre aérienne, il est surtout qualitatif. C’est-à-dire que les avions russes sont d’une part plus nombreux que les avions ukrainiens, mais ils ont surtout de meilleurs radars et des missiles à plus longue portée dont ne disposent pas les Ukrainiens. Donc le problème principal, c’est que pour reprendre une guerre aérienne, du point de vue des Ukrainiens, ils auraient besoin d’avions qui seraient déjà suffisamment nombreux pour avoir un effet et surtout qui soient capables de faire jeu égal ou presque avec les radars et les missiles des Russes. Et ça, pour l’instant, c’est quelque chose que les Occidentaux se refusent de livrer".

Missiles longue portée

Missile GLSDB Boeing – Saab
Missile GLSDB Boeing – Saab © Copyright Saab AB

L’armée ukrainienne souhaiterait aussi être en mesure de frapper des cibles à grande distance. Y compris à l’intérieur du territoire russe. Des bases logistiques ou des lignes d’approvisionnement.

Des objectifs actuellement hors de portée de l’armée de Kiev. Certains, comme les Allemands, ont qualifié ce genre d’objectifs de légitimes. Mais l’hypothèse d’une frappe en Russie au moyen d’armes produites en Occident soulève la question de l’escalade. Une question qui fait débat au sein des soutiens de l’Ukraine. Un débat aussi, selon Samuel Longuet, entretenu par le Kremlin.

"Le problème dans toute la question de l’escalade, c’est qu’en fait, Vladimir Poutine est complètement illisible là-dessus. C’est-à-dire qu’on livre des cure-dents ou qu’on livre des chars aux Ukrainiens, il va dire que c’est une escalade irresponsable et qu’on va déclencher la troisième guerre mondiale. Donc, on ne peut pas se baser sur les déclarations de Vladimir Poutine pour savoir où se situent réellement les lignes rouges".

Blindés et transports de troupes

Char Challenger II britannique photographié en février 2023 en Angleterre du sud. 14 sont prévus pour l’Ukraine
Char Challenger II britannique photographié en février 2023 en Angleterre du sud. 14 sont prévus pour l’Ukraine © Leon Neal – Getty Images

En ce qui concerne le matériel blindé, le nombre et les délais de livraison des équipements restent un sujet de spéculations. Des documents qui ont fait l’objet des récentes fuites aux États-Unis, sur la plateforme Discord y font mention mais les observateurs s’interrogent sur leur fiabilité. Le site Statista, une plateforme allemande de diffusion de productions de divers think-tanks, fournit une analyse et tente une liste des pays donateurs.

La communication sur ces livraisons est parcellaire et dépendante d’impératifs diplomatiques ou de sécurité. Samuel Longuet :

"Sur les premiers chars Léopard qui ont été livrés à l’Ukraine, diplomatiquement c’était opportun pour ceux qu’ils ont livré de communiquer à ce sujet. En revanche, il y a de fortes chances qu’on ne communique pas les dates de chaque livraison pour d’évidentes questions de sécurité".

De plus, les dates de livraison sont aussi dépendantes d’autres paramètres.

"Pour les chars Léopards, on savait que ça pouvait aller relativement vite. Pour les Abrams, personne ne se faisait vraiment d’illusions sur le fait que ça allait mettre un certain temps pour arriver pour la simple et bonne raison qu’il faut en partie les construire. Ils ne sortent pas directement du stock américain. Les Abrams américains ont un blindage à l’uranium appauvri qui est interdit d’exportation par le Congrès. Cela veut dire qu’il faut, pour les versions export des Abrams, un blindage à partir de métaux lourds, pas d’uranium appauvri. Donc ça, on sait que ça va plutôt arriver en fin d’été, voire à l’automne, voire même un peu plus tard".

Les munitions restent un problème crucial

En ce qui concerne la problématique des munitions promises à l’Ukraine, la question n’est pas relative aux stocks disponibles mais aux capacités de production. Surtout avec le rythme de consommation des munitions adopté sur le front ukrainien.

"Beaucoup de pays européens ont gardé leur capacité propre de façon à pas être trop dépendants de l’étranger pour ce qui est leur production de munitions. Le problème, c’est que ces usines, elles n’ont pratiquement jamais tourné à plein régime depuis la fin de la guerre froide. Pendant quelques semaines, on faisait tourner les usines à plein régime, on produisait les munitions pour toute l’année et ensuite, elles tournaient beaucoup plus lentement, voire pas du tout. Le problème qui se pose est à la fois un problème de personnel pour avoir pour remettre cette usine en fonctionnement à plein temps et puis un problème de matières premières. Parce que les métaux et les produits chimiques qui servent à la confection de munitions sont rares, ce sont des produits qui sont sous tension, notamment pour les poudres propulsives et les poudres explosives qui servent aux obus d’artillerie".

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