La question de l’usage du russe en Ukraine est loin d’être anodine, elle étroitement liée à l’offensive lancée par Vladimir Poutine sur le pays qu’il veut conserver dans le giron de la Russie. L’Ukraine est un pays largement bilingue. Une étude récente montre que 62% de la population utilise l’ukrainien comme langue principale, et 35%, le russe.
Depuis la révolution démocratique de 2014, Moscou s’est posé en défenseur des "Russes" d’Ukraine, en entretenant soigneusement la confusion entre les russophones et les nationaux russes.
Loi linguistique
L’argument de la langue a été utilisé par la Russie pour justifier sa mainmise sur la Crimée et le Donbass. Dans la région du Donbass, majoritairement russophone, des passeports russes ont été distribués aux habitants. Une façon de justifier par la suite une intervention militaire contre ce que le Kremlin qualifie de "génocide".
En 2019, le parlement a voté une loi renforçant le statut de l’ukrainien comme unique langue d’État. Les élus, les fonctionnaires, les magistrats, les professeurs, les docteurs, doivent maîtriser la langue nationale.
"Hystérie antirusse"
Cette généralisation de l’ukrainien dans l’appareil d’Etat visait à renforcer l’identité du pays qui tente de sortir de la sphère russe et de se tourner vers l’ouest. Des élus pro-russes ont dénoncé la loi linguistique, en y voyant une "hystérie antirusse" et une atteinte aux droits des russophones.
Les autorités ukrainiennes assurent au contraire préserver les droits des langues minoritaires, dont le russe. La langue maternelle de l’actuel président Volodymyr Zelenski est d’ailleurs le russe.
Résistance
Alors que les deux peuples sont historiquement liés et que leurs langues sont proches, le russe subit un rejet qui s’est accéléré ces derniers jours. En signe de résistance, certains russophones s’abstiennent désormais de parler leur langue maternelle. Danylo Haïdamakha, par exemple, 20 ans, star des réseaux sociaux, a choisi de basculer du russe à l’ukrainien, malgré la perte d’audience que cela implique.
Cet enjeu linguistique est aujourd’hui internationalisé à la faveur de l’agression russe. Le monde anglo-saxon a déjà été sensibilisé, alors que la francophonie découvre le débat, en étant invité à appeler elle aussi la capitale ukrainienne Kyiv.