Energie

Guerre en Ukraine et énergie : suspension d'approvisionnement, paiement en roubles, le coup de poker du Kremlin (analyse)

Usine à gaz russe, drapeau européen et rouble devant le Kremlin (illustration)

© AFP/BELGA

Ce lundi, la France a convoqué d’urgence un conseil extraordinaire des ministres de l’Energie de l’UE après la décision de la Russie d’interrompre ses livraisons de gaz à la Pologne et la Bulgarie car ces pays refusent de payer Gazprom en roubles. Rachel Crivellaro se demandait dans Matin Première si le Kremlin ne s’auto-sabotait pas ?

 

Poker menteur

Le gaz est une manne de revenu cruciale pour la Russie. Elle lui procure plus de 600 millions d’euros/jour. En 2021, Gazprom a affiché un bénéfice record de près de 28 milliards d’euros. Ne plus fournir la Pologne et la Bulgarie pour un colosse comme Gazprom, ce n’est quasi rien.

Une coupe de tous les approvisionnements russes du jour au lendemain aurait un effet cataclysmique

Pour le professeur Adel El Gamal, professeur de géopolitique de l’Energie à l’ULB, la Russie joue un peu avec le feu et avec les nerfs de ses adversaires : "C’est un jeu de poker. Parce qu’en coupant le gaz comme ils l’ont fait, la Russie se décrédibilise très sérieusement par rapport au marché mondial en tant que fournisseur fiable d’hydrocarbures. S’ils allaient plus loin, ils se couperaient d’un revenu encore plus important. Par contre, il faut se rendre compte qu’une coupe de tous les approvisionnements russes du jour au lendemain aurait un effet cataclysmique". 

Un coup de semonce donc de la part de la Russie ? Oui, car il faut rappeler la dépendance de l’Europe au gaz Russe. Il représente 45% de ses importations. Le niveau de dépendance est cependant différent entre pays européens. La Russie envoie donc un message politique très clair. Adel El Gamal explique : "C’est une façon de dire " c’est possible, on est prêt à le faire ". Et si cette mise en garde a relativement peu de conséquences sur la Pologne et la Bulgarie, il y aurait des conséquences dramatiques pour des pays beaucoup plus dépendants à ces importations. Je pense à l’Allemagne. C’est faire monter la pression, introduire un certain niveau de panique, de la tension dans la relation. C’est également une façon d’introduire une tension supplémentaire dans le front solidaire et uni de l’Union européenne aujourd’hui ".

Faut-il s’inquiéter pour l’approvisionnement belge ?

Chez nous, en Belgique, 6% seulement de gaz consommé est d’origine russe. Par rapport, à la moyenne européenne c’est peu, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne risque rien. Francesco Contino, spécialiste en Energie à l’UCLouvain, analyse la situation : "A ce moment, l’Europe est à trente pourcents de ces stocks remplis. Elle doit arriver à 80% ". C’est ce qui a été conclu d’ici novembre. Le niveau des stocks en Belgique est de 14% de notre stock. "La Belgique a un gros avantage, c’est que l’économie est annexée tout spécialement à la France, qui a des stocks énormes ". Mais le spécialiste ne s’inquiète donc pas pour autant pour la Belgique :"C’est pas demain que le gaz n’arrivera plus dans nos tuyaux… Par contre, elle est exposée de la même manière que les autres pays aux prix du marché. Et donc là, quoi qu’il arrive, pour remplir les stocks, il va falloir en payer le prix ".

Quoi qu’il arrive, pour remplir les stocks, il va falloir en payer le prix

Extrait JT du 6 avril :

Que peuvent faire les ministres de l’Energie européens ?

Dans ce conseil extraordinaire, ils devraient faire le point, évaluer de nouvelles sanctions… On parle d’ailleurs d’un embargo sur l’énergie fossile russe. Mais pour Francesco Contino, la solution est de toute façon à chercher sur le long terme : "Pour moi, le premier objectif, c’est la sobriété. Il faudrait trouver le moyen de diminuer la demande, essentiellement pour le chauffage. Il faudrait essayer de trouver des financements, des stratégies pour que les gens n’aient pas autant besoin de payer du gaz. Il faut trouver les investissements qui font tourner l’économie. Typiquement, investir dans l’isolation, la sobriété, ce sont des investissements qui nous permettent aussi de diminuer notre dépendance. Evidemment ça va prendre du temps (5, 10 ans), mais ça n’est pas pour ça qu’il ne faut pas commencer dès maintenant 

Le premier objectif, c’est la sobriété

En attendant, la solidarité européenne risque d’être mise à rude épreuve. De nouvelles échéances de paiement à Gazprom sont prévues à la mi-mai. Plusieurs groupes énergétiques européens ont déjà annoncé qu’ils payeraient en roubles le gaz russe. On risque donc de se compter.

Lors de cette réunion des ministres européens, on sait déjà que la Hongrie mettra son veto à toute proposition de boycott de l’énergie russe par l’Union européenne.

 

Reportage JT du 23 mars :

Véto hongrois

Lors de cette réunion des ministres européens, on sait déjà que la Hongrie mettra son veto à toute proposition de boycott de l’énergie russe par l’Union européenne.

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