Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : Chine-Russie, une amitié sans limite qui inquiète les Occidentaux

© Getty Images

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé ce mercredi 22 février que son homologue Xi Jinping se rendra à Moscou au printemps prochain. Un message envoyé au monde entier : non, la Russie n’est pas isolée. Elle peut compter sur la Chine. Il y a un an déjà, en marge des Jeux Olympiques de Pékin, quelques jours à peine avant le déclenchement du conflit en Ukraine, les deux leaders avaient scellé la coopération "sans limite" entre leurs pays. Un partenariat qui inquiète les Occidentaux.

Des intérêts et un ennemi communs

Depuis que la Russie a lancé son " opération militaire spéciale " en Ukraine, le 24 février 2022, la Chine n’a jamais critiqué publiquement le Kremlin. Si Pékin appelle à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine, il est aussi sensible aux préoccupations de la Russie quant à sa sécurité qui serait menacée par le déploiement de l’Alliance atlantique dans l’est de l’Europe, comme le rappelle d’entrée de jeu Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice française à Pékin et à Moscou : "Sur l’idée de l’avancée de l’OTAN, les Chinois partagent les mêmes positions que les Russes. D’autant que, dans la dernière déclaration du sommet de l’OTAN, il y a une mention du défi chinois. Donc, leurs intérêts se rejoignent sur le plan sécuritaire."

Mais plus encore que l’Otan, l’adversaire commun de la Russie et de la Chine, ce sont les Etats-Unis. "C’est ce qui a entériné l’accélération du rapprochement entre Moscou et Pékin ces dernières années", déclare Nicolas Gosset, expert à l’Institut royal supérieur de défense. "On en revient toujours à cette idée qui est partagée par les deux capitales du rôle perçu comme néfaste joué par les Etats-Unis dans les relations internationales et avec un positionnement assez parallèle en termes de victimisation des deux pays qui se disent soumis à un "endiguementde la part des Etats-Unis."

Dans ce contexte, le partenariat entre la Russie et la Chine s’est donc renforcé. Les échanges commerciaux ont augmenté. Lourdement sanctionnée par les Occidentaux après l’invasion de l’Ukraine, la Russie s’est tournée vers l’Asie, en particulier vers la Chine, pour lui vendre son pétrole.

Nicolas Gosset constate également qu’au cours des derniers mois, "il y a eu un accroissement des notifications douanières, tant au niveau russe que du côté chinois, sur l’augmentation des flux d’un certain nombre de fournitures par la Chine à la Russie : des composants électroniques, des semi-conducteurs, des puces, des pièces détachées pour avion. Donc, il y a eu des échanges entre la Chine et la Russie qui sont venus soutenir de manière indirecte l’effort de guerre." Mais l’expert belge refuse de parler d’alliance militaire entre Moscou et Pékin. "Il y a des exercices militaires conjoints, il y a une collaboration des industries de défense, mais est-ce que l’on peut qualifier leur relation d’alliance, d’un point de vue strictement militaire ?"

Non, il n’y a pas d’alliance militaire entre la Chine et la Russie.

"Les deux pays ne sont engagés nulle part conjointement et ils ne sont pas liés par un pacte de défense mutuelle, type pacte Otan."

L’impact du partenariat Chine Russie

L’impact de cet "axe Moscou Pékin" est doublement important. D’abord, il serait essentiel pour la survie du pouvoir russe. "La Chine, par l’ampleur de ses investissements, par sa présence économique, ne compense absolument pas l’ampleur des pertes dans les échanges avec les Occidentaux. Mais cela fournit le ballon d’oxygène indispensable pour maintenir la Russie à flot", poursuit Nicolas Gosset. "C’est indispensable, mais ça n’est pas suffisant pour maintenir la Russie dans une trajectoire de croissance, de développement telle qu’on l’a vu au début des années 2000."

La Chine fournit le ballon d’oxygène indispensable pour maintenir la Russie à flot.

Cette coopération sino-russe de plus en plus profonde vise également à bousculer les relations internationales, à affaiblir le camp occidental. "Certains parlent d’un mariage de convenance seulement conclu en opposition à un système international que Moscou et Pékin voient comme dominé par les États-Unis et qu’ils souhaitent reformater. Ils cherchent certainement à affaiblir l’Occident ", analyse Nicolas Grosset. " Il y a une différence entre la Chine et la Russie dans leur perception de l’Occident, en tout cas jusqu’à ce stade", nuance Sylvie Bermann, qui a représenté la France à Moscou et Pékin. "Pour la Russie, il y a un Occident collectif dirigé par les Etats-Unis et l’Europe est totalement alignée. Pour les Chinois, l’adversaire principal, ce sont les Etats-Unis et Pékin ne veut pas que l’Union européenne soit totalement alignée sur Washington, notamment au sein de l’OTAN. L’objectif de la Chine est donc d’éviter une alliance entre les Etats-Unis et les Européens."

L’Europe à la recherche de la 3e voie

Dans cette rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, quelle attitude doit adopter l’Europe ? Pour Nicolas Gosset, il est fondamental qu’elle agisse en tant que puissance : "Il y a dans notre monde contemporain trois grands pôles de puissance : le pôle américain, le pôle chinois et le pôle européen. Le pôle russe, malgré sa démonstration militaire, n’est pas un pôle mondial de puissance."

Pour nous, Européens, la relation avec la Chine est essentielle.

"Elle pose beaucoup de questions mais il y a aussi des enjeux essentiels dans le monde de demain qui impliquent une collaboration forte entre l’Europe, la Chine et les Etats-Unis. On pense au climat par exemple, mais il y a plein d’autres sujets de gouvernance mondiale. La question est de savoir à quel point notre continent, notre Union européenne peut s’affirmer comme un acteur volontariste de puissance qui est capable de nouer un dialogue d’égal à égal avec Pékin."

Diplomatie ou armement ?

Mais la Chine, elle, jusqu’où est-elle prête à aller ? Envisage-t-elle de fournir du matériel militaire à la Russie, "un soutien létal" comme le déclarait Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine en début de semaine ? La Chine dément. Sylvie Bermann s’interroge : "L’intérêt de la Chine, c’est que la guerre en Ukraine prenne fin rapidement."

Fournir des armes, c’est prendre le risque de subir des sanctions extraterritoriales américaines.

"Le risque, c’est que Washington adopte des sanctions contre des entreprises chinoises et ils n’ont pas envie de se retrouver dans cette situation-là."

"Si la Chine venait ouvertement à vendre des obus, des missiles, du matériel létal à la Russie, ça mettrait à mal les livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine, ça serait de nature à renverser le rapport de force", s’inquiète Nicolas Gosset. "Il faut espérer que la Chine adopte une posture de médiation sur la guerre en Ukraine, que Pékin fasse un usage utile de la force de ses liens avec Moscou pour essayer de ramener le pouvoir russe à davantage de raison et à une porte de conciliation."

En visite à Moscou ces mardi et mercredi 21 et 22 février, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a dit vouloir discuter de questions sécuritaires avec Moscou. Le responsable chinois en aurait profité pour présenter sa vision pour un "règlement politique" du conflit en Ukraine. La Chine devrait en dévoiler les détails au reste du monde avant la fin de la semaine.

Sur le même sujet :

Russie : rencontre du présidsent russe et du chef de la diplomatie chinoise (Moscou, 22/02/23)

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