Jusqu’à quel point l’Europe peut-elle aider militairement l’Ukraine ? Pour Samuel Longuet, l’une des explications est que l’Europe ne peut pas donner beaucoup plus sans mettre à mal son stock d’armes qui pourrait être nécessaire pour se défendre ou se projeter à l’étranger. A titre d’exemple, la France a, entre autres, fourni 18 canons Caesar sur les 76 qui étaient disponibles. "Ça fait donc presque un quart du parc français d’artillerie automotrice qui a été donné à l’Ukraine. Certains États européens ne pourront pas donner plus sans compromettre les capacités de leurs propres armées."
Autrement dit, si l’idée est qu’il faut donner à l’Ukraine du matériel militaire, les États devront probablement augmenter ou renouveler le parc actuel. "Et le débat est justement là : est-ce qu’il faut continuer à donner, sachant qu’il y a plusieurs dynamiques qui sont en jeu ?"
Des questions quant au transfert d’armes à l’Ukraine
D’après cet expert du GRIP, se pose notamment la question du contrôle des exportations d’armement. Une position commune du Conseil de l’Union européenne de 2008 et un Traité sur le commerce des armes entré en vigueur en 2014 font peser certaines obligations juridiques sur les Etats qui exportent leurs armes. Ils doivent notamment s’assurer que ces armes ne seront pas utilisées pour commettre des violations du droit international ou ne seront pas déviées de leur destination originale, vers le marché noir, par exemple.
Si des exactions étaient commises avec ces armes, l’état exportateur imprudent aurait une part de responsabilité. Or, souligne Samuel Longuet, "dans l’urgence de livrer des armes pour aider l’Ukraine à se défendre, on a l’impression que ces précautions ont été particulièrement relâchées. Les premiers fonds pour financer des exportations d’armes vers l’Ukraine via la facilité européenne pour la paix ont été débloqués seulement quatre jours après l’attaque russe du 24 février."
S’il y a de la part des États européens une volonté d’aider l’Ukraine contre l’agression de la Russie, il y a aussi "des intérêts industriels et organisationnels qui sont derrière ce soutien", soulève Samuel Longuet, "notamment les intérêts des militaires et des industries de défense". Pour les militaires, il y a l’idée que le matériel qui sera fourni à l’Ukraine devra être remplacé. C’est donc l’occasion de demander du matériel plus moderne. Pour l’industrie de défense qui devra remplacer le matériel donné à l’Ukraine, il y a "évidemment des intérêts financiers. L’expérience du combat acquise en Ukraine pourra aussi servir comme argument marketing pour de futures exportations."