Journée d'actions des blouses blanches : que se passe-t-il dans les hôpitaux ?

Premier mardi des blouses blanches. Action symbolique à la clinique Saint-Pierre à Ottignies

© rtbf

Par RTBF

Ce mardi 11 juin, une nouvelle journée d’actions est annoncée côté francophone dans plusieurs hôpitaux et maisons de repos. Les soins à domicile sont également concernés.

C’est donc la deuxième journée de grogne du personnel soignant, après le premier mardi des blouses blanches qui a eu lieu mardi 4 juin, et sans oublier la grève de 24 heures dans les hôpitaux du groupe Iris qui avait tout déclenché, la veille, le lundi 3 juin.


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Les syndicats évoluent pour l’instant en ordre dispersé. Le mouvement des blouses blanches est actuellement soutenu par le syndicat chrétien (CNE) et une nouvelle journée d’action doit avoir lieu ce 11 juin. De son côté, le syndicat socialiste (Setca) a déposé un préavis de grève qui couvrira toutes les actions qui pourraient être menées à partir du 20 juin et cela pour tous les hôpitaux de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Quant au syndicat libéral (CGSLB), il a lui aussi déposé un préavis de grève, mais uniquement pour les hôpitaux privés bruxellois. Bref, il n’y a pas de front commun.

Dans les revendications, on entend un personnel qui n’en peut plus face à l’augmentation de la charge de travail, de la cadence et d’une demande de plus de flexibilité ou encore de polyvalence.

Les normes d’encadrement pas revues en 40 ans

Dans son rapport 2019 sur la performance du système de santé belge, le KCE, le centre d’expertise des soins de santé, explique, en citant une étude européenne, que le nombre de patients par infirmier et par jour est en moyenne de 10,7 en Belgique contre une moyenne de 9 dans les autres pays européens étudiés. Tout cela dans un contexte où les durées de séjour ont été diminuées pour certaines pathologies (exemple : 3 jours actuellement dans le cas d’une naissance).

Cela implique un plus grand "turnover" des patients. Des patients aigus qui demandent une plus grande attention du personnel soignant. Renaud Mazy, directeur des cliniques universitaires Saint-Luc était sur nos antennes la semaine dernière : "C’est quelque chose qui est parfois difficilement compréhensible par les autorités. La durée moyenne de séjour diminue, mais ça veut dire que l’infirmière va voir dans le même lit plus de patients. Et l’épisode où le patient reste dans son lit est un épisode beaucoup plus aigu. Ce n’est plus les 2 ou 3 jours de la fin du séjour où le patient allait plus ou moins bien et qu’il avait besoin d’un petit soin de temps en temps. Donc, la charge de travail est plus importante pour l’infirmière et les médecins".

Et le financement des hôpitaux?

Est-ce qu’il y a un problème de financement dans les hôpitaux ? Globalement oui, pour Jean Hermesse, président de la Mutualité chrétienne : "On a vu dans la dernière étude réalisée par Belfius ('Analyse sectorielle des hôpitaux généraux', Etude Maha 2018 : 39 institutions hospitalières sont déficitaires, ce qui représente 40% des hôpitaux dans le rouge en 2017, contre 30 seulement en 2016, ndlr) qu’un nombre plus important d’hôpitaux est en déficit […] Ajoutons à cela, que le système de financement des hôpitaux pousse à la production d’actes, pousse à la croissance et donc à un rythme élevé de prestations. C’est sûr qu’un autre type de financement pourrait conduire à un autre type de médecine, moins stressante".

Etienne Wéry, l’administrateur général du réseau IRIS qui comprend notamment les CHU Saint-Pierre, CHU Brugmann, l’Institut Bordet ou encore l’hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola, a lui aussi abordé la question du financement des hôpitaux la semaine dernière sur nos antennes : "Nous sommes dans une course à la surproduction d’activités, parce que le financement hospitalier, parce que les règles budgétaires, parce que le fonctionnement général des soins de santé et du secteur hospitalier, nous pousse dans ce sens. Aujourd’hui, chaque séjour hospitalier doit être le plus court possible, chaque personne qui vient dans nos services doit être vue le plus rapidement possible. On a entendu de nombreux témoignages de situations qui deviennent vraiment pénibles pour les travailleurs, et avec une grande difficulté de la part de la direction d’y répondre dans l’état du financement du secteur hospitalier en Belgique". Et Etienne Wéry de conclure qu’il ne met pas tout sur les économies réalisées par le fédéral. Des problèmes de fonctionnement existent aussi en interne, un dialogue est ouvert avec les syndicats pour tenter d’y remédier avec un plan d’action, a-t-il précisé.

Du côté du syndicat chrétien, Yves Hellendorff, secrétaire permanent CNE explique que le mouvement de grogne actuel est le fruit d’une convergence d’éléments : "Il y a en effet un sous-financement structurel qui est bien connu et qui s’amplifie avec le dernier gouvernement. Nous avons eu des taux de croissance des dépenses de santé totalement insuffisants. Le Bureau du Plan a dit qu’il faut arriver à 2,2% d’augmentation des dépenses de santé et on est à peine à 1,5% avec des économies qui se font sentir durement dans une série d’institutions."

Le secrétaire permanent CNE pointe également d’autres problèmes pour expliquer le ras-le-bol du personnel soignant. La frilosité des fédérations d’employeurs d’appliquer des accords signés il y a 2 ans dans le secteur non marchand en fait partie et concerne les conditions de travail.

Autre élément : en juin devait sortir une nouvelle cohorte de nouvelles infirmières et infirmiers qui terminaient leurs études. Mais voilà, ces études ont été allongées et personne ne sortira : "Ça veut dire que dans les unités de soin, là où il y a des infirmières ou des infirmiers qui quittent, partent en pension, en vacances ou sont en maladie, on ne va pas trouver de remplaçants. L’organisation des vacances va poser problème cette année-ci. Ça veut dire une tension et une pression au travail accrue qui était prévisible dans les prochains mois".

Mardi de la grogne pour les blouses blanches le 4 juin dernier

Blouses blanches : les mardis de la grogne

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