C’est une première mondiale qui fait beaucoup de bruit dans le monde de la médecine. Des chirurgiens de l’université du Maryland aux Etats-Unis sont parvenus à greffer, sur un patient humain, un cœur issu d’un porc génétiquement modifié. Est-ce une révolution qui se profile ? Une solution à la pénurie d’organe ? Déclic a voulu voir clair.
Une prouesse médicale incroyable
Revenons d’abord sur le long processus qui a conduit à cette première mondiale. Depuis les années 80 des recherches sont menées sur ce que l’on appelle les "xénogreffes", des greffes d’organes issus d’autres espèces, par opposition aux "allogreffes", transplantations d’humains à humains qui sont les seules pratiquées à ce jour.
Réussir une telle prouesse a des allures de hold-Up parfait. Notre corps est tellement bien sécurisé, tellement protégé contre les invasions extérieures que pour lui faire accepter un cœur issu d’une autre espèce, il faut désactiver toute une série de systèmes d’alarmes, déguiser "l’organe entrant" pour tromper notre organisme, affaiblir notre système de défense… afin de faire accepter "l’intrus".
C’est pour cela que les chercheurs ont progressivement modifié génétiquement des porcs élevés spécifiquement à cette fin. Il s’est agi de retirer certains gènes et d’en ajouter d’autres pour rendre le cœur du porc acceptable par l’homme. Sans cela, il aurait été immédiatement rejeté par l’organisme du receveur. Des transplantations d’organes porcins ont ensuite été effectuées chez des babouins, à titre expérimental, avant d’en arriver à cette première greffe chez un homme vivant, ce vendredi 7 janvier 2022.
Une révolution ?
Est-ce du coup un tournant, pour tous les patients en attente de greffe ? Pour le professeur Alain Poncelet, spécialiste en cardiologie aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, "c’est potentiellement une étape majeure dans le monde de la transplantation. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui le nombre de patients en attente d’une greffe d’organe est considérablement plus grand que le nombre de donneurs". Les chiffres transmis par le SPF Santé le confirment. En 2021, on comptait 261 donneurs (tous organes confondus) pour une liste d’attente de 1466 patients, liste qui s’allonge chaque année.
Si demain, on parvient à développer à large échelle des greffons au départ de porcs génétiquement modifiés pour tous ces patients-là, ce pourrait être un tournant majeur.
De fameux écueils encore
Mais il reste encore de fameux obstacles, que détaille Alain Poncelet : "jusqu’à présent, la quantité et l’intensité des médicaments antirejet qu’il faut donner pour que le corps humain accepte cette xénogreffe entraîne de très nombreux effets secondaires et un risque d’infection très élevé. L’autre problème, c’est la durée de vie de ces xeno-greffons. Déjà dans la transplantation d’humain à humain, il y a une dégénérescence des greffons au fil des années. Ici on n’a aucune vision encore sur la façon dont ces greffons dont vont évoluer au-delà de quelques semaines ou quelques mois…"
Il faudra donc attendre plusieurs années pour mesurer si et à quel point on assiste à une révolution pour la médecine.
Plus de détails dans la vidéo ci-dessus. Extrait de Déclic, votre talk info, chaque soir à 17H sur La Première en radio et à 19H en télé sur La Trois.