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Gibraltar, aux mains des Britanniques depuis plus de 240 ans, bientôt rendu aux Espagnols ?

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Il y a 240 ans, le 7 février 1783, se clôturait le grand siège de Gibraltar. Les Espagnols avaient l’ambition de reprendre ce territoire aux Anglais. Ils n’y sont pas parvenus et deux siècles et demi plus tard, le rocher est toujours britannique. Avec le Brexit, ce micro-état reviendra-t-il dans le giron espagnol ?

Le rocher de Gibraltar, c’est un territoire minuscule de 6,8 km². Si on compare aux micro-états c’est 68 fois plus petit qu’Andorre, neuf fois plus petit que Saint-Marin. Seul Monaco est plus petit avec ses 2 km². 

Seconde caractéristique de Gibraltar : la frontière terrestre avec l’Espagne ne s’étend que sur 1200 mètres. C’est la raison pour laquelle le rocher est quasiment imprenable par la terre, il faut le conquérir par la mer. C’est d’ailleurs par cette voie que les Anglais s’en sont emparés en 1704 lors de la guerre de succession d’Espagne. Un conflit européen qui s’est clôturé par le traité d’Utrecht de 1713, lequel a officialisé la possession de Gibraltar par la Grande-Bretagne.

Un siège malmené sur mer

Porte d’entrée vers la Méditerranée et à proximité du nord de l’Afrique, Gibraltar était déjà une position hautement stratégique au XVIIIe siècle. Les Espagnols souhaitent donc rapidement reconquérir ce rocher. En 1779, ils rejoignent les Français à nouveau en guerre contre les Britanniques, lors de la guerre d’indépendance américaine, avec pour premier objectif de reprendre Gibraltar. Pour y parvenir, ils mobilisent 60.000 hommes face aux 6000 défenseurs britanniques : c’est du dix contre un.

Le siège durera trois ans et demi mais sera inefficace. Pourquoi ? Parce que malgré leurs 50 bateaux, les Espagnols ne parviendront pas à empêcher les navires anglais de passer, permettant ainsi de ravitailler les assiégés. Ce grand siège de Gibraltar est donc pour les Espagnols un aveu d’impuissance : ils ne reprendront pas le rocher par la force.

Bien plus tard, en 1940, Hitler proposa à Franco de reprendre militairement Gibraltar, mais le dictateur espagnol préféra s’abstenir.

Le Brexit pourrait arranger la voie diplomatique

Dans les années 60, l’Espagne tenta la voie diplomatique en plaidant sa cause devant les Nations Unies, sans davantage de succès. Par dépit, l’Espagne décidera alors du blocus de Gibraltar : seules les personnes munies d’une autorisation en bonne et due forme auront le droit de traverser la frontière. Un blocus qui durera 16 ans jusqu’en 1985.

1985, c’est le moment où l’Espagne négociait son adhésion à l’Union européenne dont à l’époque les Britanniques étaient membres. Apaiser la question autour de Gibraltar était donc indispensable pour l’Espagne.

Aujourd’hui, les Britanniques ont quitté l’Union européenne. Le Brexit rend donc les choses plus compliquées pour les habitants de Gibraltar. D’ailleurs, lors du référendum de 2016, à Gibraltar, 95% des votants ont dit 'oui' à l’Union européenne et non au Brexit. C’est assez compréhensible : les 32.000 Gibraltariens savent qu’ils vivent en connexion avec les Espagnols. Réinstaurer un contrôle aux frontières rendra fatalement la vie plus difficile. Des milliers d’Espagnols travaillent à Gibraltar et franchissent chaque jour la frontière sans compter les touristes en quête de ce petit sentiment d’étrangeté de culture britannique au parfum de pubs et de fish and chips en plein cœur de l’Andalousie.

Mais sur le plan diplomatique, le Brexit a bouleversé les choses. Pour entrer dans l’Union européenne, l’Espagne avait donc dû montrer patte blanche face aux Anglais, membres de l’Union. Aujourd’hui, l’Espagne a dans son camp l’Union européenne pour négocier avec les Britanniques.

Une annexion possible à l’Espagne ? Peu de chances actuellement

Ce rocher britannique depuis plus de trois siècles est devenu un véritable casse-tête diplomatique. Au point d’imaginer une réintégration à l’Espagne ?

La première condition serait d’abord un vote favorable de la part des Gibraltariens. Dans le passé, on leur a demandé deux fois leur avis. En 1967, quand l’Espagne de Franco s’était adressé aux Nations Unies, un référendum fut organisé à Gibraltar. Résultat : 99,64% ont voulu rester sous souveraineté britannique. Certes, l’Espagne franquiste a peut-être inquiété les habitants de Gibraltar.

Mais en 2002, un nouveau référendum eut lieu à la demande de l’Espagne, devenue une démocratie membre de l’Union européenne. Question : voulez-vous une souveraineté partagée entre Espagne et Royaume-Uni ? Réponse : non à 98,48%. Les Gibraltariens auraient voulu rester européens, mais en même temps ils se sentent britanniques.

Pour l’instant, la situation reste gérable puisque la libre circulation des personnes est toujours possible en attendant qu’un traité en bonne et due forme entre Européens et Britanniques ne règle la question. Jusqu’ici on discute, mais sans résultat.

Évidemment, si le contrôle aux frontières était restauré, ce serait très compliqué pour un territoire qui, aujourd’hui, vit essentiellement du tourisme et du commerce.

Mais heureusement pour les habitants de Gibraltar, ils ont une arme secrète : une… colonie de Macaques, les seuls singes sauvages d’Europe. Un dicton dit que tant qu’il y aura des singes, Gibraltar restera britannique. D’ailleurs, au cours de la Seconde Guerre mondiale, outre le rôle stratégique qu’avait le rocher, il n’y avait plus que quelques singes. Moins de dix. Churchill s’est empressé de faire repeupler la colonie. Aujourd’hui ils sont près de 300. A Gibraltar, on se rattache à ce qu’on peut.

Plus de 300 macaques peuplent l’éperon rocheux de Gibraltar.
Plus de 300 macaques peuplent l’éperon rocheux de Gibraltar. © Holger Leue / Getty Images

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