L'atelier des muses

Germaine Tailleferre : musicienne de talent et de caractère

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Par pflo via

Une nouveauté discographique nous donne l’occasion de nous pencher sur l’œuvre et la vie d’une compositrice française du 20e siècle : Germaine Tailleferre, connue pour avoir été la seule femme au sein du Groupe des Six, qui comprenait par ailleurs Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Francis Poulenc.

La petite Germaine, originaire de la région parisienne et dernière de cinq enfants, a commencé le piano avec sa mère dès ses deux ans. Enfant précoce, elle compose déjà ses premières œuvres à 5 ans. La jeune fille est très tôt consciente de sa vocation, mais son père s’y oppose. Il dira même cette phrase terrible : " Pour ma fille, faire le Conservatoire ou le trottoir Saint-Michel, c’est la même chose. Jamais je ne donnerai mon autorisation ". Une réaction encore courante au début du 20e siècle dans la petite bourgeoisie, où les filles étaient surtout destinées à devenir de bonnes épouses et mères de famille, avec éventuellement un petit vernis artistique destiné à agrémenter le salon familial.

Mais la jeune Germaine a du caractère et à 12 ans, soutenue par sa mère, elle va s’inscrire en cachette au Conservatoire de Paris, où elle obtient deux ans plus tard, en 1906, une première médaille de solfège qui va adoucir la position de son père.

Elle poursuit donc ses études, apprend l’harmonie, le contrepoint et enchaîne les récompenses : un premier prix d’harmonie, de contrepoint et d’accompagnement.

Au Conservatoire, elle rencontre Georges Auric, Arthur Honegger et surtout Darius Milhaud, dont elle suivra toujours les précieux conseils : elle affirmera plus tard q "Il connaissait tout, savait tout et avait une culture incroyable ". Milhaud lui fait découvrir la musique d’Igor Stravinski, dont le génie va bouleverser Germaine Tailleferre. Elle rencontre aussi Maurice Ravel, qui lui prodiguera de judicieux conseils en matière d’orchestration.

Durant la première guerre mondiale, Germaine Tailleferre vit à Montmartre et son cercle d’amis s’agrandit, elle côtoie ainsi Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin, Fernand Léger, Modigliani et Picasso. C’est dans l’atelier de l’un de ces peintres qu’a lieu un concert où l’on joue des œuvres de Poulenc mais aussi ses propres compositions, parmi lesquelles les Jeux de plein air, une œuvre pour 4 mains qui va énormément plaire à Éric Satie. Ce dernier déclarera ce même soir que Germaine Tailleferre était sa " sœur en musique " ou sa " fille musicale

Il l’invite alors à rencontrer le groupe les " Nouveaux jeunes ", qui sera rebaptisé " Groupe des Six". Des artistes qui resteront amis jusqu’à la fin de leurs jours, une amitié qui se concrétisera notamment par Les Mariés de la tour Eiffel, un ballet créé en 1921 au Théâtre des Champs-Élysées, pour lequel Germaine Tailleferre compose deux pièces.

En 1926, elle rencontre le caricaturiste américain Ralph Barton, qu’elle épouse sur-le-champ. Elle s’installe alors à New York où elle croise la route de Charlie Chaplin, avec qui elle improvise régulièrement au piano et qui lui propose une collaboration. Mais son mari, de nature jalouse et autoritaire, refuse qu’elle compose pour Chaplin.

A son retour en France, Germaine croise aussi l’écrivain Paul Claudel, qui lui commande une musique destinée à accompagner sa pièce Sous le rempart d’Athènes.

L’année 1929 voit la fin de son mariage, elle finit par divorcer de son mari encombrant et jaloux. En revanche, elle compose de plus en plus, notamment un opéra-comique Zoulaina qui n’a jamais été monté et dont il n’existe qu’un manuscrit, à l’exception de la fameuse Ouverture qui est l’une de ses œuvres les plus jouées.

A l’âge de 39 ans, elle donne naissance à son unique enfant, Françoise, née de sa liaison avec le juriste français Jean Lageat, qu’elle épouse. Une fois encore, son mariage devient un obstacle à sa carrière de compositrice. Ce second mari n’étant pas plus compréhensif que le premier, ils finiront par se séparer dans les années 50.

Beaucoup de partitions de Germaine Tailleferre sont aujourd’hui perdues ou difficilement disponibles. Et pourtant, nous lui devons de nombreuses de pièces en tout genre : de l’opéra au ballet, de la musique de chambre sous toutes ses formes à la mélodie, ainsi que des concertos, la Cantate de Narcisse sur un livret de Paul Valéry et de très nombreuses pièces pour piano.

C’est ce dernier genre qui a attiré le pianiste français Nicolas Horvath qui vient d’immortaliser une intégrale de l’œuvre pour piano de Germaine Tailleferre sous le label Grand piano.

Découvrons un extrait de ce disque avec la suite intitulée Petites ouvertures d’airs anciens, qui dévoile les connaissances approfondies de Germaine Tailleferre en musique italienne et française du 18e siècle, ainsi que son goût pour l’harmonie classique. C’est une œuvre qui n’avait jusqu’ici jamais été enregistrée.

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