Est-il encore possible de négocier avec Georges Louis Bouchez ? C’est la question du jour. Lundi, le MR a senti le vent du boulet, le risque de tout perdre. Et ce risque n’est pas écarté aujourd’hui, il est suspendu, entre parenthèses. Le sp.a disait être prêt hier à partir dans une nouvelle formule sans le MR voire aux élections. Le VLD a refusé de lâcher le MR mais Egdbert Lachaert a ajouté : uniquement dans ce cadre-ci. Comprenez, en cas d’échec, si on tente autre chose, avec un autre formateur, alors tout est possible.
La formule de la démission refusée, donne une dernière chance à la Vivaldi et à Georges-Louis Bouchez. Vu la configuration, les libéraux francophones n’auront pas beaucoup d’autres choix que de se montrer plus conciliants. Un baron libéral me disait hier : "On va devoir se coucher sur tout", sur les dossiers et sur le casting. Il est bien probable que le 16 rue de la loi, les gros ministères soient déjà perdus. Georges-Louis Bouchez n’a plus grand-chose à gagner, il doit surtout éviter de tout perdre. Si le MR échoue au fédéral, il échouera aussi en région, le message a été envoyé comme il se doit par les socialistes mais aussi par les écologistes.
Le bouchon, toujours plus loin
Comment Georges-Louis Bouchez en est-il arrivé là, dans une situation aussi inconfortable ? Comme tous les autres partis, le MR pousse son avantage le plus loin possible pour obtenir un accord de gouvernement favorable. Et son avantage est plutôt confortable. Il dispose de 7 postes au gouvernement. C’est ce qui explique sans doute la méthode de négociation choisie par les libéraux. Le MR a tout misé sur la négociation politique finale, en désinvestissant le travail préparatoire dans les groupes de travail. Aujourd’hui les libéraux se retrouvent à devoir jouer en défense sur tous les points ce qui agace évidemment beaucoup les autres partenaires.
Mais cela n’explique pas tout. La journée d’hier a aussi démontré une grande faiblesse de Georges-Louis Bouchez, c’est sa détestation grandissante par la Flandre. Détestation, il n’y a pas vraiment d’autre mot. Il faut sans doute remonter à Joëlle Milquet pour trouver un politique francophone qui à une si mauvaise image au Nord. Et encore, Georges-Louis Bouchez est parvenu à faire beaucoup mieux qu’elle. Voilà le MR, le parti qui est idéologiquement le plus proche des thèses libérales majoritaires en Flandre, le MR qui est le parti qui gouverne avec le VLD et le CD&V, le parti qui à le plus de réseaux avec la N-VA, voilà le MR parvenu donc à se mettre le nord à dos. Et pas un petit peu.
Isolement
Georges-Louis Bouchez a réussi à se fâcher avec (presque) tout le monde. Georges-Louis Bouchez s’est fâché avec Bart de Wever, Théo Francken et toute la N-VA, alors que le MR avait beaucoup investi dans les relations avec les nationalistes et le monde patronal flamand qui va avec.
Il s’est fâché avec Conner Rousseau au SPA. Conner Rousseau petit génie du marketing politique avec qui Georges-Louis Bouchez aurait pu tenter un rapprochement d’image.
Il s’est fâché avec Joachim Coens, fini les mamours entre Charles Michel et Wouter Beke, l’axe central qui permettait au MR d’élargir son assise au centre droit.
Il est en bon chemin pour se fâcher enfin, avec Egbert Lachaert au VLD. En disant hier qu’il était le seul libéral à la table de négociation, il a humilié les libéraux flamands. Il les a affaiblis. Bart de Wever hier se léchait les babines comme un ours devant un saumon frétillant.
Moi, Président
Comment expliquer tout ça ? Sinon le tropisme "majoritaire" qu’un certain Didier Reynders avait inauguré avant lui, sans succès. Cette idée de s’imposer par le seul rapport de force, de s’imposer en Belgique comme on s’imposerait en France, dans un scrutin majoritaire.
En homme providentiel, solitaire, par les coups politiques, par la transgression, en négligeant les réseaux, les alliances, les relations humaines, qui fabriquent aussi le consensus dans un système proportionnel.
Georges Louis Bouchez a dit un jour d’ailleurs "Le seul défaut de la Belgique, c’est qu’il n’y a pas d’élection présidentielle". En politique Française, la solitude c’est le prix à payer pour prendre le pouvoir. En politique belge, c’est l’inverse. L’opposition, c’est le prix de la solitude.