Pourquoi la Grande mosquée de Bruxelles, au Cinquantenaire, est-elle gérée depuis l'étranger par l'Arabie saoudite ? Mardi, le ministre des Affaires étrangères saoudien, en visite dans notre capitale, a accepté de rendre la gestion de cette mosquée aux autorités belges. Suite aux attentats de Bruxelles, le 22 mars Georges Dallemagne, député fédéral cdH et ancien vice-président de la commission d'enquête sur les attentats avait alors dénoncé cette mainmise de l'Arabie saoudite.
Protéger un Islam ultraconservateur
Pour le député, cette décision de l’Arabie saoudite est moins une victoire de Didier Reynders que le résultat de la détermination du Parlement. "Il y avait un déni absolument extraordinaire par rapport à la mainmise de l'Arabie Saoudite sur la communauté musulmane en Belgique. On avait confié, il y a un demi-siècle cette mosquée, mais aussi le contrôle de la communauté musulmane à l'Arabie Saoudite. Elle a fait d'énormes dégâts en protégeant un Islam ultraconservateur, hostile à nos valeurs, et qui -c'est ce que l'OCAM a récemment déclaré- avait donné le terreau au djihadisme. On a longtemps été dans le déni. Je me réjouis que suite à cette pression de notre commission d'enquête, le gouvernement mette en œuvre cette recommandation."
L’Arabie saoudite en position de faiblesse
Une question essentielle est de savoir pourquoi les saoudiens ont accepté aussi facilement. Pour Georges Dallemagne, une des raisons est à trouver dans les différents problèmes que rencontre le pouvoir saoudien. "D'abord, le pays est en conflit avec l'Iran. Ils ont besoin d'alliés et d’avoir à leurs côtés les Européens et les Américains. Pour les Américains, c’est déjà fait. La Grande-Bretagne vient, elle, de signer un accord stratégique avec l'Arabie Saoudite, et ils ont besoin de faire en sorte que l'opinion publique européenne et internationale soit un peu moins hostile aux valeurs saoudiennes."
La deuxième explication est que les Saoudiens disposent de moyens plus limités pour pouvoir financer le wahhabisme sur le plan international. "Ils sont dans une opération de charme à l'égard de l'Europe. Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Je ne suis pas naïf. Il n'y a pas d'"aggiornamento" en Arabie Saoudite par rapport aux liens entre wahhabisme et djihadisme." Georges Dallemagne constate aussi les dégâts "très importants" commis dans notre pays à l'égard de la communauté musulmane. "Il y a tout un travail à refaire par rapport à cette idéologie qui a véritablement déstabilisé nos communautés."
Qui va diriger la Grande Mosquée?
Aujourd'hui que la balle elle est dans le camp des ministères de l'Intérieur et de la Justice, la principale question concerne la direction future de ce lieu de culte. Déjà le nom de l'exécutif des musulmans de Belgique circule, mais pour Georges Dallemagne, la commission d'enquête a balisé un certain nombre de principes. Il faut promouvoir le vivre ensemble, respecter la Constitution belge et la Convention européenne des droits de l'homme. "L'exécutif des musulmans de Belgique est certainement un partenaire important avec lequel discuter de toutes ces questions-là, mais ce dernier doit aussi continuer à se moderniser et se réformer. Notre commission a pointé le fait que cet exécutif est accusé de ne pas représenter aujourd'hui tous les musulmans." Selon l’élu cdH, l’exécutif musulman représente surtout l'Islam marocain et turc en Belgique. "Il doit aussi pouvoir s'ouvrir à d'autres courants. Il y a donc un effort à faire de la part de l'exécutif des musulmans, mais ce sera certainement un des partenaires importants pour discuter de l'avenir."
Qui va payer?
L'Arabie Saoudite n’étant plus le bailleur de fonds, qui donc va maintenant financer la Grande Mosquée du Cinquantenaire ? Georges Dallemagne explique que, pour avoir vu les "rares comptes" de la Ligue islamique mondiale qui contrôlait ce lieu, l’argent venait de l’étranger, mais aussi des fidèles. "Je pense que cela sera certainement une source de financement. Si ce lieu est agréé comme culte musulman, il pourra également recevoir des subsides publics, mais je ne me fais pas de soucis par rapport à cela. Ce n'est pas un lieu qui coûte des millions d'euros, ce n'est pas un problème budgétaire."