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Geluck sur la polémique de la statue du Chat achetée par le Parlement bruxellois : "Je n'ai sollicité personne et je ne touche pas un centime"

Philippe Geluck et l’une de ses sculptures du Chat.

© Belga

Une statue à 370.000 euros ! Une nouvelle polémique est née visant une réalisation autour de l’univers du Chat, personnage emblématique de Philippe Geluck. Le Parlement bruxellois s’est mis d’accord pour acheter une de ses sculptures monumentales, avec l’assentiment de toutes les formations politiques, opposition MR, PTB et N-VA comprise. Une création de trois mètres de haut et deux tonnes et demie.

Mais voilà : son prix et son futur emplacement (le jardin du parlement, inaccessible au public) sont remis en question notamment par Sandrine Morgante. Cette artiste et conférencière avait déjà critiqué la création prochaine du Musée du Chat à Bruxelles (au travers d’une pétition ayant récolté plus de 6000 signatures). Dans La Libre, elle déclare : "J’ai été assez mécontente d’apprendre cet achat, et d’autres avec moi."

Manque de transparence, cadeaux faits au dessinateur Geluck : les critiques de Sandrine Morgante sont nombreuses : "Les retombées du musée seront pour le privé. Cela donne l’impression de cadeaux faits à Philippe Geluck." Mais encore : "Il y a énormément d’espaces partagés dans lesquels des artistes essayent de se constituer en collectifs, pour survivre. C’est cela que le parlement et le gouvernement pourraient faire grandir, au lieu d’aller chercher des grands noms, qui ont tendance à invisibiliser le reste de la création bruxelloise."

Le musée du Chat se précise

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Que pense Philippe Geluck (qui fête en 2023 le 40e anniversaire de la création de son félin personnage en bande dessinée) de cette nouvelle polémique, après celle autour du musée ? Contacté par la RTBF, il explique avoir pris connaissance de ce sujet de débats "via le message d’un ami qui m’a dit que ça recommençait. Comme je ne suis pas du tout lecteur des réseaux sociaux, je ne perçois pas la haine qui s’y déverse. J’ai simplement suivi cela par quelques articles de journaux." Pour lui, "ce genre de confrontation et de polémique est désastreux".

Qu’avez-vous pensé de cette polémique ?

"Tout d’abord, je n’ai sollicité personne. C’est le Parlement bruxellois qui est venu vers moi en me disant : 'Nous voudrions acheter une sculpture pour orner le jardin du parlement. Ce sera aussi une façon de soutenir le projet du musée du Chat. Qu’en pensez-vous ?' Je suis un artiste, j’essaie de vendre des sculptures monumentales au profit de la cagnotte du projet culturel Musée du Chat. C’était donc une très belle nouvelle. J’ai répondu 'oui, formidable'. Après, le reste, le vote du budget, c’est de leur côté."

Le prix peut poser question…

"C’est le prix du marché. Si un collectionneur veut aujourd’hui acquérir une statue monumentale, c’est ce prix-là. Cela peut peut-être encore augmenter. Mais on ne le sait pas. Ce qui est formidable avec ces polémiques, c’est que la première, autour du musée, avait suscité une telle indignation chez tellement de personnes qui se sont demandé pourquoi on emm… Geluck et son projet. Cela a même décidé plusieurs candidats acquéreurs d’acheter une statue. Donc, je dis : 'Vivent les polémiques'. Cela apporte finalement du financement au projet du Musée du Chat."

Les 370.000 euros vont dans votre poche ?

"Ce n’est pas un cadeau qu’on me fait à moi ! J’ai dit 100.000 fois que ces ventes étaient faites au profit intégral du projet culturel d’un musée consacré au dessin d’humour et que je ne touchais personnellement pas un centime. Rendez-vous compte ! Cela fait dix ans que je fais le tour de ce tout ce que je peux comme fonds privés et soutiens pour ce projet de musée pour constituer cette cagnotte de huit millions d’euros que je dois apporter au projet. C’est un soutien à ce grand projet culturel et populaire."

Vous dites ne pas aimer quand des artistes critiquent d’autres artistes…

"C’est paradoxal. Dieu sait que l’on peut reprocher à notre pays de ne pas avoir une politique culturelle comme on l’espère, avec l’absence d’un musée d’arts modernes. Mais cela dépend du Fédéral, pas des Régions. Tous les artistes devraient s’unir pour réclamer ce musée d’arts modernes. Mais ce n’est pas en attaquant d’autres artistes qu’on va résoudre le problème. Je n’ai rien pris à personne. Le Musée du Chat va en plus être construit dans un bâtiment qui était un chancre urbain depuis 50 ans. La Région construit ce bâtiment que je pourrai lui louer dans le futur. C’est juste ça ! Alors si c’est indécent, faudra qu’on m’explique…"

Vous avez rencontré les responsables politiques bruxellois au moment de la commande de la statue ?

"Je n’ai pas beaucoup de liens avec le monde politique. Mais j’ai rencontré Rachid Madrane (NDLR : président PS du Parlement bruxellois) au moment où il m’a annoncé son intention de proposer l’achat de la statue au vote. Cela a été voté et fait dans les règles. A ce moment-là, je me suis dit qu’on se reverra lors de l’inauguration, prévue ce printemps. Maintenant, peut-être qu’aujourd’hui, on devrait s’appeler…"

La statue acquise par le Parlement bruxellois, existe-t-elle déjà ?

"C’est en tout cas une sculpture qui sera inédite, une pièce unique, contrairement aux autres qui peuvent être tirées à deux ou trois exemplaires. Cela en augmentera la valeur. Elle est réalisée, en petit. On procède en ce moment à son agrandissement. Ce qu’elle va représenter ? C’est mieux de garder l’exclusivité pour l’inauguration. Mais ce qu’il ne faut pas non plus oublier, c’est que les autres sculptures seront exposées au parc royal dès le 10 mars. Et c’est ce qui est fou et aberrant dans ces polémiques, c’est que cette exposition de 22 sculptures est libre d’accès, gratuite, dans l’espace public. La vente de ces statues permet aussi d’offrir ce genre d’exposition gratuitement au public. Jusqu’à présent, toutes les étapes de cette exposition ont permis d’attirer plus de sept millions de visiteurs. Dernière chose : ces statues sont créées et fabriquées en Belgique, dans un rayon de 40 kilomètres autour de Bruxelles. Je fais travailler plusieurs entreprises et dizaines d’emplois. J’essaie d’être le plus vertueux à ce niveau-là. Je n’ai jamais fait évader un seul centime, je paie tous mes impôts en Belgique. Cela fait partie de mon éthique."

A ce jour, combien de statues ont déjà été vendues ?

"De l’ordre de 25 ou 26 sur 20 modèles. Parmi les acquéreurs, il y a des privés, des entreprises, il y a le Parlement bruxellois… Il y a également une autre commune en Suisse, qui s’appelle Colony, à côté de Genève. La sculpture a été livrée et sera inaugurée au mois de mai, lors d’une grande fête… Visiblement, là, ça procure du bonheur et de l’enthousiasme. J’espère qu’après la tempête, il y en aura aussi ici à Bruxelles."

Geluck et son chat : un couple inséparable

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Quelle somme avez-vous déjà pu récolter ?

"Beaucoup. Je n’ai pas le chiffre en tête. Au début, le prix de la statue était inférieur à celui fixé aujourd’hui, en raison du succès de l’exposition. Ensuite, il faut retirer tous les frais de fabrication et les frais de la tournée de l’exposition."

Le musée, quand sera-t-il inauguré ?

"Ce sera en 2025 ou 2026. Le bâtiment brut doit être terminé fin 2024 au plus tard. Ensuite, il y a les aménagements à prévoir. Au plus tôt, au mieux. Je ne suis pas maître de l’horloge."

Vous avez débattu une fois avec Sandrine Morgante, l’une des initiatrices de la pétition contre le musée. C’était sur un plateau de télévision. Pourquoi ne pas échanger vos points de vue une nouvelle fois ?

"Au moment de cette émission, j’ai essayé de dialoguer, en plateau et en coulisses, avec elle. Mais c’est impossible. Elle est persuadée d’être dans la vérité, à travers sa vérité à elle, qu’elle n’accepte pas le dialogue. Elle estime que mon travail ne mérite pas une présence muséographique. Moi, j’ai une approche de l’art, que j’espère plus souple, qui dit que personne ne détient la vérité. Moi-même, je doute de beaucoup de choses. Et puis, le public dispose. Les personnes qui donnent des avis définitifs et péremptoires m’ont toujours fait peur. Cela a été le cas à toutes les époques dans l’histoire de l’art."

Certes, mais Sandrine Morgante a tout de même récolté plus de 6000 signatures au travers d’une pétition…

"Il y a aussi eu des contre-pétitions qui sont montées à 40.000, 50.000 signatures. Le référendum n’est pas dans notre constitution. Mais tentons-le, je serais curieux de voir le résultat. Ce genre de confrontations et de polémiques est désastreux. Je lui souhaite tout le meilleur dans sa carrière. Je ne connais pas bien son travail. J’ai l’impression que c’est une posture que celle d’agresser les autres. Et je ne pense pas que ce soit constructif."

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