Belgique

Fusionner, la seule piste possible pour l’avenir des petites communes wallonnes ?

Par Marc Sirlereau

Le contexte est connu. Les communes ont de plus en plus de charges et de responsabilités à assumer et dans le même temps, elles n’ont pas plus de moyens financiers. C’est la quadrature du cercle évoquée depuis des années et des années. Une situation qui vu le contexte budgétaire général à tous les niveaux de pouvoir du pays, risque de perdurer voire de s’aggraver. Et pour certains, l’idée de fusion au niveau communal apparaît dès lors comme la solution.

La proposition du gouvernement wallon n’a pourtant pas eu de succès

C’est un peu le paradoxe. Jusqu’au 31 octobre dernier, les communes qui le désiraient, pouvaient rendre leur projet de fusion au gouvernement wallon. Avec à la clé, un incitant financier intéressant : un allégement de la dette à hauteur de 500 euros par habitant. Avec un plafond à 20 millions. Un système semblable à celui proposé côté flamand. Mais voilà, un seul projet officiel a été remis au gouvernement wallon, il concerne la fusion des communes de Bastogne et de Bertogne.

"On va doubler notre capacité d’investissement"

C’est comme un cri du cœur pour Benoît Lutgen, le bourgmestre Les Engagés de Bastogne qui va s’allier à la commune voisine de Bertogne, également dirigée par Les Engagés. "Le budget de Bastogne est aujourd’hui de 24 millions. On dégage un boni annuel de 300.000 euros. Et grâce à cette fusion avec Bertogne, après 2024, la nouvelle entité va d’abord bénéficier d’un million en plus par an du Fonds des communes car la ville va dépasser les 20.000 habitants. Et on disposera en plus sur la législature de l’incitant financier wallon, en l’occurrence dix millions. Pour nous, c’est gigantesque. Notre capacité d’investissement sur fonds propres est aujourd’hui de douze millions sur une législature. A l’avenir, elle sera doublée."

"C’est la piste à suivre"

Maxime Daye, le bourgmestre MR de Braine-le-Comte, également président de l’Union des villes et communes wallonnes, est à 100% derrière l’idée de fusions. Mais pour les petites communes pour qu’elles puissent atteindre la barre des 15.000 habitants, seuil considéré par certaines études comme le seuil nécessaire pour qu’une commune puisse fonctionner plus ou moins normalement. En Wallonie, cela représente tout de même plus de 75% des localités malgré les fusions déjà imposées en 1976.

"C’est la piste à suivre dans une époque où il faut faire des économies dans la gestion publique vu notamment notre lasagne institutionnelle. C’est de plus en plus compliqué dans les petites communes qui doivent engager des grades légaux et du personnel qualifié qui coûtent évidemment. C’est aussi une possible réponse à la crise des vocations politiques. Donc, pour toutes ces raisons, il faut tendre vers des fusions naturelles. Je regrette le nombre extrêmement limité de communes ayant franchi le pas. L’esprit de clocher et la peur de l’autre ont malheureusement gagné. "

L’esprit de clocher est tenace

C’est le sentiment de Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l’ULB. Les explications sont bien sûr nombreuses sur le manque d’adhésion générale à l’idée de fusion mais pour le politologue, l’esprit de clocher reste la première explication.

"Il y a des réticences dans une partie de la population et chez bon nombre de mandataires à franchir le pas. Les habitants sont attachés à leur commune, aux traditions de celle-ci etc. Et puis, il y a aussi parfois des majorités politiques différentes dans les communes qui pourraient fusionner et donc, ça cale. Et il peut également y avoir une concurrence entre deux bourgmestres de la même sensibilité politique."

Une évolution logique ?

Pascal Delwit estime pourtant que sous beaucoup d’angles, certaines fusions seraient en tout cas logiques. Au-delà des difficultés rencontrées par les communes, ce qu’il faut observer, dit-il, " c’est que le rôle des communes et la manière de remplir leurs missions ont fortement évolué. Les communes remplissent toujours aujourd’hui des missions d’état civil bien sûr mais elles peuvent être aussi amenées à traiter des sciences de l’environnement ou de l’art de bâtir. Et pour cela, il faut d’autre type de personnel et pour y arriver, il faut déjà une commune d’une certaine taille."

Et la "supracommunalité" ?

C’est une autre piste possible pour aider les petites communes pour Christophe Collignon, PS, le ministre wallon des Pouvoirs locaux qui est aussi bourgmestre en titre de Huy. Une piste qui existe déjà partout mais qu’il faudrait, selon lui, intensifier.

"Fusionner peut être une solution mais ce que nous avons mis sur la table, est un panel plus large au nom de l’autonomie communale notamment. Une fusion peut marcher dans un cas, pas dans l’autre. Fusionner deux petites communes qui ont des territoires étendus, beaucoup de voiries et des petits budgets, cela n’a par exemple pas beaucoup de sens."

"La supracommunalité", pour Christophe Collignon, permet aux communes de travailler ensemble en dépassant notamment les égoïsmes communaux. Dans l’arrondissement de Huy-Waremme, il y a 31 communes, souvent de petite taille et les communes travaillent ensemble. Ce fut le cas lors du Covid pour faire par exemple un achat groupé de masques et prendre des mesures homogènes. Mais des communes peuvent aussi se mettre ensemble sur un projet commun comme construire un hall omnisports ou une piscine. Ce qui serait impossible si elles étaient seules, faute de moyens."

Et pour l’avenir ?

Une certitude, tout est sur la table. Le décor est planté avec des perspectives à moyen et long terme qui ne seront assurément pas plus faciles pour les communes. Après 2024 et l’échéance électorale au niveau communal mais aussi au niveau fédéral et régional, des évolutions et des changements seront probables voire inévitables.

Côté wallon, en tout cas, il est d’ores et déjà prévu de maintenir après les prochaines élections, l’incitant financier destiné à aider les communes qui désirent fusionner. Un signe précurseur ?

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous