"Freefights" de hooligans : que dit la loi sur ces affrontements secrets dans des lieux isolés ?

Oeil en flandre : Procès Hooligans

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Par Kamel Azzouz

66 personnes étaient sur le banc des accusés depuis lundi devant le tribunal correctionnel d’Anvers. 56 hooligans du Royal Antwerp FC et 10 hooligans du club néerlandais de Willem II sont poursuivis pour avoir organisé une dizaine de freefights. Il s’agit de bagarres " organisées " entre des fans de clubs rivaux. En principe, un nombre égal de personnes s’affronteraient sans armes pendant une période déterminée, en acceptant toutes les conséquences physiques.

Des affrontements dans des lieux isolés et tenus secrets

Au-delà des couleurs du club, les prévenus ont une autre passion. Celle d’affronter secrètement des hooligans rivaux dans des endroits reculés comme une forêt par exemple. S’ils se battaient habituellement aux alentours des stades, se bastonner dans un lieu secret devient de plus en plus courant tant en Belgique qu’à l’étranger.

C’est dans un lieu bien isolé que ces hooligans participent à des " freefights " dans le cadre de règles bien établies et avec un consentement mutuel. Jorgen Van Laer, l’avocat de quatre supporters anversois, plaide justement dans le sens de toutes ces nuances : " Ce sont des lieux isolés où il n’y a pas d’autres personnes. Il n’y a pas d’incidents avec des spectateurs, des gens qui ont regardé, des passants. Ce n’est pas possible. Il y a tout de même une grande différence par rapport aux autres procès de hooligans que nous avons vus par le passé. Par ailleurs, tout le monde s’y trouve volontairement, et accepte aussi les conséquences volontairement ".

Koen De Backer, l’avocat d’un autre supporter anversois, plaide pour le choix personnel : " Nous ne voyons pas en quoi cela diffère du sadomasochisme, d’un tatouage ou de piercings. C’est aussi un choix que des personnes font de renoncer partiellement à leur intégrité physique, pour leur plaisir ou pour leur hobby ".

Que dit le droit pénal ?

Pour le parquet, il s’agit de réunions illégales qui perturbent l’ordre public, avec un risque élevé de blessures graves ou de mort. Kristof Aerts, le porte-parole du parquet d’Anvers, indique que les bagarres sont illégales et punissables par la loi, même si personne ne s’est signalée comme victime : " Nous constatons tout de même dans l’enquête qu’il s’agit de coups très lourds. Des gens qui sont à terre, et qui continuent d’être frappés et piétinés. Dans quelle mesure est-ce encore de leur plein gré ? C’est pour nous la question clef ! "

L’avocat pénaliste Laurent Kennes nous fait part qu’en droit, le consentement n’est pas élusif de l’infraction : " Si quelqu’un dit frappe moi ou tue-moi, cela ne permettrait pas à la personne qui frappe ou qui tue de ne pas être responsable de l’infraction pénale qu’elle a commise. Elle commet bien des blessures, ou éventuellement un meurtre. Donc peu importe le consentement de la victime ".

Au-delà du consentement, Me Laurent Kennes évoque la gravité des coups et blessures et d’une préméditation : " A partir du moment où des gens se donnent rendez-vous et se donnent des coups de poing, et qui viennent parfois armés avec des battes de baseball ou un marteau, cela constitue nécessairement une infraction pénale. Ce sont des coups et blessures volontaires avec éventuellement des séquelles. Donc avec des circonstances aggravantes en fonction des conséquences pour la santé de la personne qui est victime des coups. Et en plus avec une préméditation, donc il y a quand même des peines qui vont jusqu’à 5 ans d’emprisonnement ".

L'exception du sadomasochisme

Il est vrai que la Cour européenne admet des limites dans le fait de poursuivre une personne qui porte des coups à une autre personne consentante est une atteinte au droit à la vie privée qui paraît disproportionnée. Maître Kennes évoque les formes légères de coups et blessures en matière de sadomasochisme :" Une fessée, des jeux qui sont relativement limités… Cela, la Cour européenne des Droits de l’Homme dit qu’on ne peut pas sanctionner. Mais si cela porte atteinte à la santé publique, là peu importe le consentement, c’est constitutif d’une infraction".

Dans ce dossier dont le jugement est attendu le mois prochain, le parquet a requis des peines allant de 150 heures de travaux d’intérêt général jusqu’à 30 mois de prison. Un autre procès similaire se tiendra bientôt et concernera également une vingtaine de supporters du club de football Beerschot.

Ces combats planifiés entre groupes de hooligans existent depuis une dizaine d’années. Une évolution du hooliganisme qui s’est répandue en Belgique comme partout ailleurs dans le monde.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous