C’est un "bienfaiteur des sourds" qui vient de tirer sa révérence : le professeur Nève est décédé ce jeudi. A la fin du vingtième siècle, il avait théorisé les articulations du langage gestuel, ses combinaisons de signes, ses conjugaisons, et il avait d’une certaine manière donné ses lettres de noblesse à cette manière de s’exprimer, non seulement avec les mains, mais encore avec les expressions faciales et les mouvements corporels. Sa caution scientifique avait contribué à convaincre les pouvoirs publics de publier un dictionnaire en huit volumes, une somme de quinze cents pages, puis à financer des formations pour les malentendants ou leurs proches. Sa "grammaire" a été l’un des premiers ouvrages du genre.
Voici deux ans, ce professeur hors normes, qui se donnait volontiers des allures d’original, avait tenté de promouvoir une méthode d’apprentissage phonologique de la langue française, sur base d’un constat : elle s’écrit avec vingt-six lettres alors qu’elle compte trente-six sons. Les correspondances entre ce qui se dit et ce qui se lit sont donc artificielles et difficiles à maîtriser. Supprimer l’orthographe dans les premières années primaires permet de vaincre les appréhensions et à surmonter les obstacles, pour la réintroduire ensuite, progressivement. Une thèse qui n'a pas rencontré le succès escompté, alors qu'elle constitue une forme de prolongement de l'étude, menée au contact des sourds, des rapports entre les signes et les phonèmes…