"Cette action (citation à comparaître) n’a donc aucune chance d’aboutir en ce qui concerne le Roi". "La personne du Roi est inviolable", stipule clairement l’article 88 de la Constitution, ce qui signifie que "sa personne physique ne peut pas être traînée devant les tribunaux".
Il en va tout autrement en ce qui concerne la princesse Astrid et le prince Philippe, également cités à comparaître. Les enfants du Roi, eux, ne bénéficient pas de l’inviolabilité. "Mais là, un autre problème se pose", relève Francis Delpérée. La citation à comparaître concerne une procédure de demande de reconnaissance de paternité. "Or, que je sache, le Code civil n’organise pas des actions en recherche de fraternité". Mais là, "c’est un tout autre problème que le problème constitutionnel", fait remarquer le président du groupe cdH au Sénat.
"Un court-circuit dans le raisonnement juridique" de Marc Uyttendaele
Un autre constitutionnaliste, Marc Uyttendaele, proche du Parti socialiste, estime, lui qu’un juge pourrait se prévaloir de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour passer outre cette inviolabilité de la personne du Roi.
En effet, ladite Convention établit l’égalité entre enfants naturels (nés hors mariage) et enfants légitimes. Se basant sur cet élément, le constitutionnaliste de l'ULB estime qu'un magistrat pourrait s’en prévaloir pour passer outre la Constitution (le droit international étant supérieur, en termes de hiérarchie des normes juridiques, au droit national) pour forcer le Roi à venir s’expliquer à la barre.
"Je suis peut-être mal réveillé mais je ne comprends rien à cette argumentation", ironise notre invité. Tout d’abord, "il ne faut pas courir à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg" pour faire valoir qu’il ne faut pas faire de distinction entre enfant légitime et enfant naturel. En effet, "la Cour constitutionnelle de Belgique le dit de manière expresse", relève le président du conseil communal de Woluwe-Saint-Pierre. "Mais cela n’a rien à voir avec les règles qui établissent le mode de comparution ou de non comparution du Chef de l’Etat! Il y a là un court-circuit dans le raisonnement juridique", estime Francis Delpérée. Dès lors, il n’en démord pas, il n’y a aucune chance que le Roi se trouve devant un tribunal. "Le Roi est hors-jeu", conclut-il.
Quoi qu'il advienne, Delphine Boël n'entrerait pas dans l'ordre de succession
Mais qu’advient-il si le Roi renonce à ses fonctions? "Si le Roi cesse d’être Roi, il ne bénéficie plus de l’article 88 et devient un citoyen comme les autres". Il pourrait alors comparaître. Dans le cas où cette comparution aboutirait sur une reconnaissance de paternité, Delphine Boël rentrerait-elle dans l’ordre de succession ? A nouveau, c’est en se basant sur la Constitution que notre interlocuteur répond de façon tranchée : "Non car la Constitution dit que seuls les enfants légitimes, nés dans le mariage, ont le droit de succéder au Roi".
La prise en compte de cet élément pourrait-elle retarder une éventuelle abdication? "Pourquoi pas", estime Francis Delpérée. "Je vous avoue, mais je ne vais pas allé me mettre à la place du Roi, (à sa place) je serais presque tenté de dire ‘si vraiment on en arrive là, et bien les amis, vous allez voir, j’y suis, j’y reste. Jusqu’au bout‘".
Francis Delpérée ne se dit pourtant pas intéressé par les péripéties de la vie privée du Roi. "Je vais peut-être décevoir tous les monarquolâtres du pays mais moi, les personnes, cela m’est royalement indifférent". "Ce qui m’intéresse c’est la fonction du Roi, la manière dont il peut aider à faire fonctionner l’Etat", fait-il valoir.