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France : face au manque de neige, les stations de ski préparent l’avenir

La vallée de la Tarentaise, en contrebas du domaine skiable des Arcs, souffre du manque de neige

© William de Lesseux

La sécheresse inédite en France n’épargne pas les stations de ski : l’enneigement est cette année particulièrement faible. Les canons à neige ne parviennent pas à compenser le manque de précipitations. Est-ce la fin de "l’or blanc" qui fait le succès des domaines skiables des Alpes ? Les professionnels du secteur se mobilisent pour tenter de trouver des solutions.

"Attention aux pierres". Cette année, les skieurs croisent ces dizaines de panneaux orange plantés sur les pistes du domaine skiable des Arcs, en Savoie. Les dameuses ont beau passer chaque nuit, disperser la production des canons à neige, cela ne suffit pas : chaque amateur de glisse doit prendre garde à ces petites pierres affleurantes, celles qui abîment les skis, les snowboards et provoquent de grosses chutes. Une situation quasi-inédite pour un mois de février, alors qu’il n’a pas significativement neigé depuis près d’un mois. D’après Météo-France, l’enneigement est cette année "déficitaire".

Les skieurs habitués du domaine sont alors obligés de monter au plus haut pour profiter d’une neige de meilleure qualité. Geneviève et Arnaud, venus pour une unique journée, sont montés directement à l’Aiguille rouge, à 3226 mètres d’altitude. Et ils constatent les dégâts : sous leurs yeux, la vallée est comme grisâtre, très peu enneigée dès que les basses altitudes sont atteintes. "C’est assez effrayant, à cette période de l’année, ce n’est pas logique. On attend que la neige tombe, et pourtant elle ne tombe pas !" s’exclame Geneviève. "C’est une neige de printemps avec une quantité équivalente à un mois de décembre", se désole Arnaud, la trentaine. "Pour l’instant cela reste les mêmes sensations de glisse. Si on va suffisamment haut. L’espace est beaucoup plus limité qu’avant."

Montée en altitude et neige artificielle

Dans le village de Villaroger, 1200 mètres d’altitude, la neige manque et les canons à neige ne peuvent pas compenser en totalité le déficit de précipitations
Dans le village de Villaroger, 1200 mètres d’altitude, la neige manque et les canons à neige ne peuvent pas compenser en totalité le déficit de précipitations © William de Lesseux

Paradoxalement, la fréquentation du domaine est supérieure aux années précédentes. 35.000 skieurs se croisent sur les pistes chaque jour en moyenne, d’après Guillaume Rosetti, directeur marketing et commercial du domaine skiable Les Arcs – Peisey Vallandry – Villaroger : "On a travaillé avec les experts de Météo-France sur 2050. On aura une skiabilité qui restera convenable et au niveau. Pour autant, on sait que le réchauffement climatique est là, on est aux premières loges de ce réchauffement. On sait qu’on va avoir une neige naturelle qui va diminuer. Notre envie sur la neige de culture [artificielle, ndlr], ce n’est pas de compenser le manque mais d’apporter un juste équilibre. On se fixe des limites. Notre cible, c’est moins d’une piste sur deux avec de la neige de culture."

Les Arcs préfèrent miser sur la haute altitude, en développant davantage de pistes plus haut ou en faisant monter des activités auparavant en aval. Les jardins d’enfants ont par exemple été déplacés à une altitude supérieure pour faciliter l’apprentissage du ski. D’autres activités ont aussi été développées, comme un spectacle lumineux, une fresque de découverte de la montagne, des activités de pleine nature. Objectif : ne pas tout miser sur le ski. "Le ski va évoluer, je pense que la destination montagne restera une destination majeure à l’heure du réchauffement". Actuellement, l’exploitation du domaine skiable fait vivre directement 600 employés. Bien plus lorsqu’on prend en compte les activités d’hôtellerie et de restauration dans les stations.

Et puis il y a les villages situés très bas dans le domaine skiable, comme Villaroger, 1200 mètres d’altitude, qui vont devoir se réinventer. Alain Emprin, maire sans étiquette de la commune de 400 habitants, a obtenu la construction d’une télécabine pour acheminer les skieurs plus rapidement en altitude, en lieu et place des trois télésièges de première génération actuels. Une façon de rester attractif. "Le ski sera difficile, concède l’élu, et notre intention n’est pas de rentrer dans un artifice de neige. Le fait de créer des liaisons rapides vers la haute altitude est une partie de la réponse."

Cette nouvelle remontée représente un investissement de près de 30 millions d’euros. "Il ne s’agit pas d’être inquiet. Il s’agit de préparer l’avenir et de voir les mutations qui s’imposent. La montagne, c’est autre chose que le ski : beaucoup de gens pratiquent la marche, y compris en hiver. Il y a une pertinence à faire ces équipements sur l’ensemble de l’année, y compris l’été. Il n’y a pas de résignation, et avoir une énergie combattante à gérer ces enjeux-là, c’est absolument passionnant", souligne Alain Emprin. Quelques flocons se mettent à tomber sur Villaroger : les skieurs retrouvent le sourire, même si cette neige ne recouvrera pas durablement la piste de l’Aiguille Rouge, qui arrive directement dans le village.

France : pas de neige dans les stations de ski (JT 02/03/2023)

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