Critique.
Patrick Bonté cultive depuis belle lurette l’art des soirées composées. Celle qu’il propose encore ce soir et demain est d’une force et cohérence particulières.
Dans les deux performances proposées la chorégraphe est une femme et danse elle-même avec des danseuses complices. Dans Forces Leslie Mannès nous emporte dans un monde étrange où un dynamisme interne fait exploser le plateau. Dans Ida, don’t cry my love Lara Barsacq nous fait partager le monde raffiné d’Ida Rubinstein, danseuse et muse de Serge Diaghilev mais aussi mécène de nombre d’artistes de ce début du XXè siècle.
Forces (Mannès, Turine, Lemaître) : un étrange vertige****
Au début on a peine à voir ce qui se passe sur le plateau obscur où des taches blanches commencent à prendre forme, à palpiter doucement. De séquence en séquence, les trois ombres blanches fantomatiques vont se préciser, s’affirmer, remuer plus sec, prendre des formes humaines, encapuchonnées d’abord puis délivrées petit à petit de ce qui vaguement les enferme. Le trio de danseuses affirmera d’abord son corps, rendra visible sa chevelure et se débarrassera enfin de ce vêtement blanc pour laisser apparaître des shorts et bustiers raffinés (de Marie Artamonoff), faisant émerger des cuisses énergiques et des bras scandant l’espace.
Le trio de danseuses (Leslie Mannès, Mercedes Dassy et Daniel Barkan) portées par les rages rythmiques de Thomas Turine et les lumières inventives de Vincent Lemaître vont accélérer la cohésion du groupe, tantôt rassemblé, tantôt dispersé dans une sorte de transe très contrôlée qui fait alterner les fusions du groupe et sa dispersion dans l’espace. Ces guerrières vigoureuses nous emportent alors dans leur monde et nous saoulent de leur rythme, passant de l’accord au désaccord dans un tourbillon fascinant. Impossible d’échapper à ce charme guerrier et à cette perfection du geste et du corps. Ce travail d’une équipe très unie a été saluée le soir de la première par des cris de joie comme si cette belle animalité contrôlée du plateau avait envahi un public de fans ! Une énergie communicative est passée du plateau à la scène ! l’ABC d’un spectacle réussi.