Fraude football belge

Footgate : après les déclarations de Veljkovic, le procès a déjà commencé dans les médias

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Par Thierry Luthers

C’est donc ce soir sur La Une, juste après le Journal Télévisé, que vous découvrirez la version française du documentaire de la VRT " Dejan Veljkovic, confessions d’un repenti". Sa diffusion, mardi, dans l’émission " Pano " de nos confrères flamands mais aussi la parution simultanée du livre "De biecht van Dejan Veljkovic" (" les confessions de Dejan Veljkovic ") ont fait du bruit, beaucoup de bruit. Et les réactions ont fusé, très vite et en sens divers.

Mise en cause, la Fédération a fait savoir qu’elle laissera la justice faire son travail, la Pro League a rappelé toutes les mesures prises ces derniers temps pour une meilleure gouvernance du football belge et une meilleure transparence dans les pratiques des agents. Restent les personnes citées dans le documentaire. Chacun sa stratégie. Herman Van Holsbeeck, continue à se taire dans toutes les langues. Sans doute sur les conseils de son avocat. En revanche, Me Walter Van Steenbrugge, le conseil d’Ivan Leko, a mis en demeure l’ancien agent serbe. Sébastien Delferière, lui, a donné deux interviews disons assez étonnantes pour qui connaît un peu le dossier. Bruno Venanzi, lui aussi, a réagi. Le Standard dément les propos de Dejan Veljkovic et le démontrera à la justice. En résumé, le futur procès en correctionnelle a déjà démarré dans les médias. Et on devine dès à présent la ligne défense des probables futurs inculpés : "Veljkovic ment et nous n’avons strictement rien à nous reprocher".

Veljkovic se pose en victime

Mais la réalité est bien plus nuancée que cela. Veljkovic a obtenu officiellement son statut de repenti le 25 novembre dernier devant la Chambre des mises en accusation d’Anvers. Pour prendre sa décision, celle-ci s’est basée sur le "mémorandum" solide du parquet fédéral qui reprend toutes les déclarations du Serbe après 27 auditions de plusieurs heures et des vérifications sérieuses et méthodiques de ses dires. Les enquêteurs de Hasselt disposaient aussi des écoutes téléphoniques, souvent très instructives et précieuses. Ils pouvaient aussi s’appuyer sur des documents comme les conventions de scouting, dûment signées par les deux parties (les clubs et les sociétés de Veljkovic). Enfin, il y avait aussi la mémoire phénoménale de l’intéressé et ses petits feuillets où il avait noté systématiquement tous les montants distribués. Ce qui est un peu plus gênant dans le contexte actuel, c’est la posture adoptée par Dejan Veljkovic. Dans ses propos, il se fait passer pour une victime qui a tout perdu et il charge au maximum tous les autres acteurs du dossier. On en oublierait presque qu’il était partie prenante dans ces montages frauduleux. Sans compter que le Serbe fera tout pour récupérer son statut d’agent de joueurs ce qui ne manquerait pas, le cas échéant, de choquer l’opinion publique. Pas sûr en outre que notre homme pourra encore officier en Belgique avec toutes les personnes qu’il s’est désormais mises à dos. Reste le marché des Balkans où il pourrait se positionner et rebondir professionnellement.

Et maintenant ?

La procédure judiciaire va suivre son cours. D’ici fin janvier, en principe, le parquet fédéral fera connaître son réquisitoire. En coulisses, on évoque une liste impressionnante de plus de 70 personnes inculpées, quasiment tout le gratin du football belge. N’oublions pas que le volet Veljkovic n’est qu’une partie du dossier "Footgate" instruit à Tongres. Car il faut y ajouter celui concernant Mogi Bayat où, immanquablement, d’autres noms vont apparaître. Peu de choses ont filtré sur ce volet-là, en dehors de la problématique des montres, évoquée dans le documentaire RTBF " Le milieu du terrain ", rediffusé ce soir à 23h15 sur la Une TV. Il faut dire que les enquêteurs ont recueilli beaucoup moins de renseignements via les écoutes téléphoniques de l’agent belgo-iranien qui, plus prudent que Veljkovic, utilisait souvent " What’s app " comme moyen de communication, toujours difficilement déchiffrable pour les enquêteurs.

Quand le réquisitoire du parquet fédéral sera définitivement bouclé (il l’est déjà en grande partie selon nos informations), la Chambre du Conseil décidera de qui sera renvoyé, ou non, devant un Tribunal Correctionnel ou, comme le prévoit la procédure judiciaire, devant une Cour d’Appel (soit un privilège de juridiction) si un magistrat devait faire partie des inculpés. On pense ici à François De Keersmaecker, l’ancien président de l’Union Belge, qui est juge suppléant, en plus d’être avocat de profession. Les différents avocats entreront alors en action avec, à n’en pas douter, des demandes de devoirs complémentaires d’enquête. Bref, le procès tant attendu risque de ne pas avoir lieu avant des mois… voire davantage.

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