Icône représentant un article video.

Doc Shot

Flash ball : une arme dite "non léthale" utilisée par les forces de l'ordre et qui divise

Au nom du maintien de l'ordre - Presque mortel

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Le documentaire Au nom du maintien de l’ordre – Presque mortel, fait un état des lieux de l’utilisation du Flash-ball, ou lanceur de balles de défense (LBD) dans le monde. Témoins, spécialistes, responsables policiers et vendeurs d’armes prennent la parole pour expliquer l’évolution du contrôle des manifestants et l’opacité de cette industrie. En quatre anecdotes, on revient sur l’histoire de cette arme dite "non létale".

1. Le LBD est inventé par le Royaume-Uni colonial

Dans les années 1960, les armes dites "non létales", à savoir les armes chimiques irritantes, sont complétées par la mise au point de fusils avec des balles en bois ou en caoutchouc. Le Royaume-Uni colonial est la première puissance à développer et utiliser de telles armes. Les premiers exemples étaient des balles cylindriques en bois, tirées sur des manifestants par les forces britanniques à Hong Kong dès 1958. Ces projectiles étaient "tirés à la volée" depuis le sol. Leur but était de toucher les personnes dans les jambes, car le tir direct risquait de provoquer des fractures. Le fusil en caoutchouc est d’abord utilisé pour réprimer les populations birmanes. Il est ensuite employé contre les Républicains d’Irlande du Nord dès 1968, et fait 14 morts. Dans les années 1970 et 1980, les armes à balles en caoutchouc sont limitées, mais depuis les années 1990, leur usage est croissant.

 

2. En France, les LBD étaient d’abord réservés aux "situations d’urgence"

C’est en 1995 que le politicien Claude Guéant, à cette époque au ministère de l’Intérieur, achète des LBD pour la police française. Leur usage est réservé au corps d’élite de la police, et pour des situations de violences individuelles exceptionnelles. Cela comprend les prises d’otage et les cas de forcenés dangereux. Les LBD sont présentés comme des armes antibavure. L’objectif est d’éviter l’usage des armes à feu par les policiers et leur préférer cette arme "non létale". Pour Pierre Douillard-Lefèvre, chercheur en sciences sociales spécialisé dans ces armes, le premier laboratoire de ces armes, a été "les banlieues, les quartiers périphériques et les populations immigrées ou fils et filles d’immigrés". En 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, change les équipements à la suite d’émeutes. Le LBD se diffuse massivement et intègre l’attirail policier. En Belgique, en comparaison, l’utilisation des LBD est aujourd’hui, plus encadrée et donc plus rare. Leur emploi est limité à des cas d''intervention en prison, d’arrêt rapide lors d’une agression, de surveillance d’une personne en danger ou dans le cadre d’un plan d’urgence lors d’une prise d’otages.

 

3. Entre 1990 et 2017, 50 personnes sont tuées par des tirs de LBD

Rohini Haar est médecin urgentiste spécialisée dans la santé et les droits de l’homme. Selon une étude qu’elle a dirigée, entre 1990 et 2017, on recense plus de 2000 blessés par des tirs de LBD, dont 60% gravement. On compte également 50 personnes tuées et 90 mutilées. Les blessures les plus fréquentes sont des factures cérébrales, des blessures au cerveau et des atteintes aux yeux, notamment des éborgnements. En mars dernier, une nouvelle étude menée par Rohini Haar est publiée par l’association médicale Physicians for Human Rights, le Réseau international d’organisations des droits civiques (Inclo) et la fondation britannique Omegaa. Elle décompte depuis 2015 plus de 120.000 blessés par des grenades lacrymogènes ou des LBD lors de manifestations dans le monde. Ils ont notamment analysé les comptes rendus médicaux du mouvement des gilets jaunes, de Black Lives Matter ou des mouvements pro-démocratie à Hong Kong et en Birmanie. Selon ce rapport, les balles en caoutchouc, ont blessé 2190 personnes, dont 65% aux yeux. Au moins, 945 ont des séquelles à vie et 12 sont mortes. Pour ces groupes, ces armes entraînent "souvent un regain de tensions et une escalade des conflits". Ils recommandent une meilleure régulation et une formation des agents à leur usage.

 

4. Le marché des LBD est l’un des moins transparents au monde

"Ça fait dix ans que je travaille sur les armes de contrôle des foules et leur impact, et je continue d’être effarée par l’absence de données et de transparence de la part des fabricants" s’alarmait Rohini Haar à la publication de son dernier rapport. Il n’existe pas de réglementation internationale sur la conception, la fabrication, l’utilisation ou les tests de ces armes. Les pays vendeurs ne vérifient pas si le pays acheteur est une dictature et pourrait abuser de l’exploitation de tels fusils. Lors du coup d’État birman, les manifestants pro-démocratie ont été ciblés par des LBD achetés à une démocratie, la Corée du Sud. Des cartouches et gaz lacrymogènes français ont été utilisés pendant les manifestations au Liban en 2019 et 2020. Rohini Haar précise dans un communiqué qu’il n’y a aucune "obligation d’enregistrer les données pour les forces de police de la grande majorité des pays".

En France, la gestion de ces armes et munitions est régulée par une "opacité arbitraire" estime Gaël Guillerm, fabricant de LBD. Rien ne réglemente les Flash-ball : il n’existe pas de critères de puissance ou d’énergie transmise à la cible. L’industriel plaide pour l’établissement d’un cahier des charges rédigé à l’aide d’une commission médicale, pour dire ce qui devrait être acceptable ou non. C’est, selon lui, un enjeu de santé publique.

Au nom du maintien de l’ordre – Presque mortel, un documentaire de Paul Moreira à voir jeudi 25 mai à 22h40 sur La Une, et en replay sur Auvio pendant 90 jours.

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous