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Fin des élevages de fourrure en Belgique

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Par Mélina Margaritis

La Belgique rejoint la liste des pays qui ne produisent plus de fourrure. Le projet de fermer tous les élevages de ce type s’est réalisé avant la date butoir de 2023 avec la disparition anticipée des 17 derniers élevages situés en Flandre. Un secteur affaibli par la crise du Covid-19 et en net déclin en raison des nouvelles mentalités.

Défendre le bien-être animal

En 2015, la Wallonie décide d’interdire la production de fourrure. À cette époque, Carlo Di Antonio, ministre du Bien-être animal, initie ce décret d’interdiction des élevages d’animaux à fourrure dans la région, soutenue par les députés de son gouvernement.

En 2012, une enquête IPSOS, conduite à la demande de l’association de protection animale, GAIA (Groupe d’Action dans l’Intérêt des Animaux), révèle que " 9 Belges sur 10 (88% des Wallons) sont en faveur d’une interdiction légale des élevages d’animaux pour leur fourrure ". La raison principale serait qu’il n’est pas justifié de tuer des animaux pour leur fourrure. Une façon alors de répondre à la demande des citoyens qui désirent protéger les animaux et défendre leur bien-être. En 2017, Bruxelles interdit elle aussi les élevages produisant de la fourrure sur son territoire.

À savoir qu’en Belgique, seule la fourrure de vison était exploitée pour le secteur textile. Plus de 150.000 visons étaient détenus dans des conditions effroyables dans le but d’être abattus essentiellement pour leur fourrure. Le site gaia.be affirme que, enfermés dans de toutes petites cages (de la taille d’une boîte à chaussures), les animaux montraient des signes de maltraitance (névrose, agressivité voire automutilation). Une situation qui n’était simplement plus tolérable.

Il restait cependant encore 17 installations en Flandre. Pour M. Ben Weyts (N-VA), ministre du Bien-être animal de la région, il était absolument nécessaire de ne plus permettre à ces élevages d’exercer. Résultat, en 2018, la Flandre décide de prendre les choses en main et lance un projet de décret pour exclure la pratique d’ici fin 2023.

Un choix politique préventif et des mentalités qui changent

Plusieurs raisons expliquent cette fermeture anticipée. Parmi elles, les conditions effroyables de détentions des visons favorisaient le développement de maladies et avaient été considérées comme foyers propices au Covid-19. Par ailleurs, en Wallonie comme à Bruxelles, il n’existait déjà plus aucun centre d’élevage de production de fourrure. L’interdiction de ce type de pratique dans le pays révèle alors un geste politique symbolique et préventif. Enfin, un fonds de compensation dégressif de dix millions d’euros était prévu pour les dernières entreprises flamandes. Plus précisément à ceux qui choisiraient de fermer avant le délai. Une démarche efficace puisque presque la totalité des entreprises avait fermé au printemps 2021.

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Michel Vandenbosch, président de GAIA depuis 1993, estime que cette nouvelle est une première victoire pour le pays : " Ce qui nous importe c’est le résultat. La Belgique est désormais libre de ces productions de fourrure. Cela fait plus de 30 ans que nous nous trouvons sur la brèche pour entre autres faire bannir les élevages de fourrure. Tout comme le fait que de plus en plus de grandes marques ont arrêté d’utiliser de la fourrure dans leur collection. Il y a clairement un changement structurel des mentalités. Au niveau des législateurs, mais aussi au niveau des grands couturiers et grandes marques. Il est clair que pour nous c’est une grande victoire. C’est le fruit d’une campagne menée sur 3 décennies que nous menons en Belgique et qui a été couronnée de succès. "

En effet, de plus en plus de marques ont renoncé à vendre des vêtements réalisés à partir de fourrure. C’est le cas pour plus de 800 magasins, dont une centaine en Belgique, tant dans le secteur du luxe que pour des magasins d’enseigne (Dolce Gabbana, Moncler, Armani, C&A, Eastpak, O’Neill, etc.). Un grand nombre d’entre eux s’engagent dans le programme de " commerce sans fourrure " (Fur Free Retailer). Cette action a pour objectif d’informer les différents consommateurs autour du commerce de la fourrure afin de les inciter à faire de bons choix.

En 2019, la couturière de la Reine Elisabeth II annonce que la fourrure ne fera plus partie de la garde-robe de Sa Majesté. Le magazine ELLE également, décide que la fourrure n’apparaîtra plus dans aucune de ses pages. Tuer pour la fourrure n’est donc plus toléré comme par le passé et devient même tabou.

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Un phénomène que soutient aussi PETA France (People for the Ethical Treatment of Animal), une association qui contribue à établir et protéger le bien-être animal. Pour Anissa Putois, porte-parole de l’asbl, cette prise de conscience prend de plus en plus d’ampleur : " Il y a également de nombreux pays qui ont interdit la production de la fourrure. La France a fait fermer ses derniers élevages de visons et c’est le cas de l’Italie également. Des pays envisagent d’interdire la vente comme Israël et le Royaume-Unis qui va prendre cette décision assez prochainement. Même dans les pays tels que la Russie et la Chine où la fourrure est encore un petit plus d’actualité qu’ailleurs, on a des jeunes générations qui se mobilisent, qui refusent de porter de la fourrure et qui s’intègrent dans la lutte de la cause animale. C’est quelque chose qui avance de tout bord à l’international. ".

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Interdiction de produire, mais pas de vendre

En Europe, ce type d’élevage disparaît peu à peu, mais le continent reste encore un des grands producteurs de fourrure. Cette dernière fournit 70% de fourrure de visons et 63% de fourrure de renards au niveau mondial.

Selon des chiffres de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) : " Jusqu’en 2019, environ 2900 élevages d’animaux à fourrure étaient présents dans l’UE, produisant environ 27 millions de peaux de vison par an. Depuis décembre 2020, suite aux épidémies de SARS-CoV-2 dans les élevages de visons en Europe, le nombre d’élevages de visons est tombé à 759 élevages de visons, principalement situés en Finlande, en Pologne, en Lituanie et en Grèce. Parmi les plus grands producteurs de peaux de vison, le Danemark et les Pays-Bas ont presque tous fermé leurs élevages de visons ".

Pour Lionel Fuchs, troisième génération d’une famille de commerçant de fourrure de l’entreprise Embert, l’impact de cette décision est relativement minime : " C’est comme si on interdisait les trains vapeur. Il n’y a plus de train à vapeur en Belgique. Supprimer ces élevages-là ça n’a pas vraiment de conséquence sur le marché de la fourrure dans le pays. Parce que toutes les peaux sont vendues à la criée. En Belgique il n’existe plus de criée, donc ça va partir vers Copenhague ou en Allemagne ; c’est via un intermédiaire que je récupère ensuite mes peaux. Si on supprime tout ce marché en Europe et éthiquement ça peut se comprendre, ce qui sera dommage sera la perte du savoir-faire des artisans des fourreurs ". Les modes et les mentalités ayant changé, sa pratique s’est elle aussi transformée. Le recyclage d’anciennes fourrures est devenu monnaie courante dans sa boutique.

Même si les élevages de production de fourrure n’existent plus en Belgique, il est pour le moment toujours possible de se fournir dans d’autres pays afin de vendre cette matière. Le marché de la fourrure continue cependant de décroître. Aujourd’hui, la Belgique figure donc dans la liste des pays européens ayant interdit cette pratique où l’on retrouve, le Royaume-Uni (2000), l’Écosse (2002), l’Irlande du Nord (2002), l’Autriche (2004), la Croatie (2018), la République tchèque (2019) et le Luxembourg (2018).

 

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