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Films et séries en audiodescription pour personnes aveugles et malvoyantes, comment ça marche ?

La session d’enregistrement d’une série belge en audiodescription.

© RTBF – Adrien Demet

Regarder un film ou une série à la télévision ou sur les plateformes, un loisir banal et habituel pour bon nombre d’entre nous. Toutefois, pour les personnes aveugles ou malvoyantes, c’est très souvent le parcours du combattant. En effet, les versions originales de ces programmes ne leur sont pas facilement accessibles. Heureusement, il existe l’audiodescription. Elle permet aux personnes déficientes visuelles de pouvoir suivre l’histoire du film ou de la série grâce à une narration spécifique et adaptée. On a poussé la porte d’une session d’enregistrement en audiodescription pour découvrir l’envers du décor.

Ce jour-là, c’est une série produite par la RTBF qui est audiodécrite. Derrière le micro, on retrouve Colette Sodoyez. Elle est comédienne et sa voix guidera les personnes aveugles et malvoyantes dans cette série 100% belge. Elle décrit les actions, les réactions, les regards, les émotions, les lieux et bien d’autres choses encore. Une description essentielle. Le but est de créer des images mentales chez les personnes déficientes visuelles afin qu’elles puissent vivre pleinement la série ou le film comme les personnes valides.

Colette est comédienne. Sa voix guide les personnes aveugles et malvoyantes.
Colette est comédienne. Sa voix guide les personnes aveugles et malvoyantes. © RTBF – Adrien Demet

La comédienne découvre le texte au moment de l’enregistrement. Il apparaît à l’écran sur une bande rythmo, ce qui permet à Colette d’avoir le bon tempo pour poser sa voix. C’est le même principe que pour les doublages de films ou de séries.

Un travail d’écriture essentiel

Ce ne sont pas les comédiens et comédiennes qui écrivent les textes, mais bien ici une équipe d’auteurs et d’autrices.

"L’écriture en audiodescription, c’est la plus grosse étape", explique Christelle Brüll, audiodescriptrice chez PAF. "Quand on reçoit le film ou la série, d’abord on l’écoute sans les images, ensuite on va se partager la série, le film en deux auteurs. On va l’écrire, chacun de notre côté et puis on va s’échanger nos parties pour pouvoir superviser l’autre pour éviter toutes les erreurs de lecture d’images, de lecture de son, de dramaturgie, de subjectivité", ajoute-t-elle.

Je suis les yeux de la personne

Le travail d’écriture est par conséquent très spécifique. Il faut pouvoir expliquer un maximum de choses avec un minimum de mots et donc "on va faire hyper attention aux dialogues, aux sons et à la musique et s’insérer le plus subtilement possible dans ces trous", explique Christelle Brüll. Les auteurs et autrices doivent donc décrire le plus simplement possible tout ce que les personnes aveugles et malvoyantes ne voient pas du tout ou perçoivent à peine.

Christelle Brüll est audiodescriptrice.
Christelle Brüll est audiodescriptrice. © RTBF - Adrien Demet

"Je suis en fait les yeux de la personne", reconnaît-elle. Les descriptions sont très nombreuses et variées : "ce sont forcément des gestes, 'Il se lève, il se dirige', ce sont des réactions, des regards. Quel type de regard il pose sur le personnage en face".

Tout n’est pas décrit en permanence non plus. C’est le cas notamment pour la façon dont les personnages sont habillés. "S’ils portent un t-shirt noir et un jeans, on ne va pas forcément le dire pour tout le monde, mais s’il y a quelque chose de spécifique et surtout de dramaturgique, s’il porte une cravate rouge, alors que dans le film on va parler de la cravate rouge plus tard, on va forcément la nommer au début du film ou de l’épisode de la série", explique l’audiodescriptice.

La bande rythmo permet de placer parfaitement les passages en audiodescription.
La bande rythmo permet de placer parfaitement les passages en audiodescription. © RTBF - Adrien Demet

La place des sons est aussi très importante dans l’audiodescription des actions. Catherine Brüll prend un exemple : "Si on entend une porte qui s’ouvre et qu’on entend des pas, on va dire à ce moment-là 'Il marche vers la porte' et puis après, on entendra la porte qui s’ouvre. C’est donc très important de parler avant le son." C’est entre autres ce qu’elle vérifie ce jour-là en studio puisqu’elle guide la comédienne pour le calage de ses phrases par rapport aux sons, pour ses prononciations ou encore pour son ton.

Une validation par une personne déficiente visuelle

Entre l’écriture et l’enregistrement de cette série de la RTBF en audiodescription, il y a eu une autre étape importante : la validation par une personne aveugle ou malvoyante.

"Lui va écouter l’écriture et il va nous dire 'Oui, mais là, ça va, j’avais compris' ou 'Là, je ne comprends rien du tout', 'Là, vous avez parlé beaucoup trop'. Il va donc aussi nous guider et on va réécrire avec lui."

Ibrahim Tamditi est non voyant et consultant en audiodescription.
Ibrahim Tamditi est non voyant et consultant en audiodescription. © RTBF – Inside

Cette étape de supervision par une personne déficiente visuelle est d’ailleurs une des recommandations du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). On la retrouve, parmi d’autres, dans le "Guide des bonnes pratiques à destination des professionnels de l’audiodescription en Belgique francophone" émis par le CSA. On y retrouve une série d’indications que ce soit en termes d’écritures, d’enregistrement ou de supervision. L’autorité chargée de la régulation du secteur des médias audiovisuels en Fédération Wallonie-Bruxelles a également établi une charte, plus contraignante cette fois.

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La RTBF a des obligations

Le CSA impose à la RTBF de proposer de l’audiodescription sur les fictions et documentaires entre 13 heures et minuit. Depuis cette année les quotas sont fixés à 25% pour La Une et pour Tipik et 15% pour La Trois. Pour Auvio, c’est 25%, mais il s’agit ici d’une obligation de moyens et non de résultats.

La RTBF sous-traite l’audiodescription de ces programmes à différentes sociétés externes. Pour les fictions internationales, le marché public a été remporté par une firme française. Pour les fictions belgo-belges, il n’y a pour l’instant pas de marché attribué mais "on confie le travail en général à différentes sociétés belges, car on est très attentif à l’aspect belgo-belge de la série en termes d’accents ou en termes de vocabulaires utilisés", explique Didier Coppens, en charge de l’audiodescription à la RTBF.

La RTBF est attentive à ne pas diffuser n’importe quoi

Il existe différentes approches en matière d’audiodescription en fonction des prestataires et des techniques employées. Cela peut représenter une différence de coût pour la RTBF.

Toutefois, Didier Coppens se veut rassurant : "On est attentif bien entendu à la charte de qualité et aux bonnes pratiques dans la production de l’audiodescription même si ce n’est pas nous qui la produisons. On établit pour chaque production, en dehors du marché public attribué pour l’international, un cahier des charges en mettant notamment tous les critères repris dans la charte du CSA afin que la société qui aura le contrat s’engage à les respecter parce que la RTBF est attentive à ne pas diffuser n’importe quoi en termes d’accessibilité."

En 2023, le budget consacré à l’audiodescription à la RTBF est d’environ 1,6 million d’euros.

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