La situation en Europe "est très différente", résume le directeur scientifique de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), Paul Griffiths à l’AFP.
Pour expliquer un phénomène beaucoup plus contenu au niveau européen, Paul Griffths avance plusieurs facteurs protecteurs : prescriptions d’anti-douleurs mieux encadrées, usage d’héroïne moins fréquent chez les jeunes et accès plus facile aux traitements de substitution à l’héroïne, moins puissants et moins risqués que le fentanyl.
Mais le Vieux continent n’est pas pour autant épargné. Plus de 8200 morts liés aux drogues ont été enregistrés dans l’Union européenne en 2017, dont "environ 70%" sont liées aux opiacés, selon M. Griffiths. Le Royaume-Uni et la Suède ont connu des pics ponctuels d’overdoses mortelles liés au fentanyl en 2017.
Les saisies de fentanyl et ses dérivés sont aussi en forte croissance : une quinzaine de kilos ont été saisis en 2017, contre un seul l’année précédente, selon M. Griffiths.
Pas (encore ?) de crise en Belgique
En Belgique, le fentanyl sous sa forme illégale a fait son apparition assez récemment. La drogue synthétique n’est pas encore très populaire mais suscite des inquiétudes dans le milieu de la prévention des assuétudes. Si en 2015 la Belgique a recensé un seul mort suite à la consommation de fentanyl, ils étaient six en 2017.
Bruno Valkeneers, chargé de communication pour l’asbl Transit qui accueille des consommateurs de drogues à Bruxelles explique que le fentanyl n’a pas encore émergé sur le marché belge : "Par rapport à notre public, ce n’est pas quelque chose qui apparaît encore. Jusqu’ici nous n’avons qu’un seul témoignage donc ce n’est pas quelque chose d’hyper présent. Nous ne sommes pas dans un scénario de crise des opioïdes".
Plusieurs facteurs expliquent que le phénomène soit jusqu’ici contenu sur notre territoire : "La présence en Belgique de l’héroïne sous forme classique est assez facile à obtenir. La qualité est correcte tout comme les prix. Tout ça est lié à la présence du port d’Anvers, porte d’entrée de nombreuses drogues, et donc les drogues circulent plus facilement et à des prix meilleur marché", indique l’observateur de la plateforme Transit. De plus, tout comme dans le reste de l’Europe, les médecins sont assez bien formés et ne sont pas dans de la surprescription, ce qui évite donc le détournement des produits. "Les médecins spécialisés savent qu’il faut les prescrire avec prudence en raison de la création de dépendance", ajoute Bruno Valkeneers.
On est en alerte
Mais pas question de baisser la garde pour cet acteur de terrain : "On est en alerte. On peut se retrouver avec des gens qui deviennent toxicomanes suite à la prescription de médicaments contenant du fentanyl."
La Belgique pourrait être confrontée davantage au fentanyl dans les années à venir en fonction de l’évolution du marché, "des intentions commerciales, ou en fonction des contrôles qui pourraient se renforcer. Le trafic s’adapte. Ça dépend de nombreux facteurs. Le fentanyl pourrait être utilisé pour couper les drogues. Si le dealer dit c’est de l’héroïne, de la bonne, il (le consommateur) risque de s’injecter la même quantité qu’habituellement et il va risquer une overdose".