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Féminicide d'Ahlam Younan : pourquoi il ne faut pas parler de crime d'honneur

Féminicide d'Ahlam Younan: pourquoi il ne faut pas parler de crime d'honneur

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La Belgique a été secouée il y a quelques jours par un crime odieux commis à Liège contre une femme de 28 ans d’origine syrienne, Ahlam Younan.

L’enquête est en cours mais des éléments donnent à croire que le crime a été commis ou médité par l’un des cinq frères de la victime. Il lui reprochait un mode de vie ne correspondant pas aux valeurs de la famille. Ahlam est issue d’une famille chrétienne orthodoxe.

La presse a mis le crime dans la case de "crime d’honneur", ce qui était d’usage traditionnellement dans ces circonstances, comme le terme de "crime passionnel" utilisé quand un conjoint assassine sa conjointe. Cependant, depuis plusieurs années, des féministes se sont mobilisées et des recommandations ont été données à la presse pour abolir ces termes qui, à travers leur usage, donnent une justification aux crimes commis.


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On ne tue pas par "honneur"

On ne tue pas par amour ou par passion comme il n’y a aucun honneur dans un crime. Il y a des féminicides, des femmes tuées par ce qu’elles sont femmes, considérées comme des propriétés privées du couple, de la famille nucléaire ou élargie (la tribu).

Selon les Nations Unies, le foyer reste l’endroit le plus dangereux pour les femmes. La majorité des femmes victimes de féminicide dans le monde sont tuées par leur partenaire ou leur famille.


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Dans certains pays du Moyen Orient et ailleurs dans le monde, plusieurs femmes sont assassinées au sein de leurs familles parce qu’elles les auraient "déshonorées" en adoptant des comportements qui vont à l’encontre de ce qui est attendu d’elles : pureté et soumission.

On ne tue pas par amour ou par passion comme il n’y a aucun honneur dans un crime

Des féministes en lutte sur ce sujet

Plusieurs pays gardent encore dans leurs lois des circonstances atténuantes quand un crime est commis dans ce cadre. Cependant, des pays comme le Liban et la Tunisie ont réalisé des avancées à ce niveau en abolissant ces circonstances atténuantes, ce crime est désormais traité comme n’importe quel autre crime.

Dans d’autres pays comme la Jordanie, la Syrie, le Koweït et l’Égypte, les mouvements féministes continuent leurs luttes pour changer la loi et pour sensibiliser l’opinion publique. Ces dernières années, plusieurs cas en Jordanie et en Palestine ont secoué la société et nous avons pu observer via les débats vifs sur les réseaux sociaux que la dénonciation de ces pratiques était de plus en plus grande et que les efforts des associations féministes pourraient bien finir par s’imposer.


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En Belgique, et suite à la mobilisation du monde associatif, la violence liée à l’honneur et les mariages forcés ont figuré parmi les priorités du Plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violence liée à l’honneur (2015-2019).

Dans le plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes (2020-2024), nous nous réjouissons également qu’une mesure spécifique, la mesure 59, appelle au "Renforcement de l’accueil et de la prise en charge des victimes de mariages forcés et de violences liées à l’honneur".

Des recommandations ont été données à la presse pour abolir ces termes qui, à travers leur usage, donnent une justification aux crimes commis

L’accueil et la prise en charge des victimes sont très importants à côté d’un travail de prévention et de sensibilisation des jeunes et des adultes à travers des animations, des campagnes d’information en collaboration avec les différents médias nationaux et communautaires.

D’autre part, un accompagnement adapté et rapide des familles où ces tensions se présentent nous semble essentiel. Les écoles et les associations tout public confondu sont des acteurs clés dans la prévention et l’orientation des familles en difficulté. Le soutien aux associations spécialisées dans ces questions est nécessaire afin qu’elles puissent proposer un accompagnement à la hauteur de la problématique et du danger.


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Enfin, la tolérance zéro vis-à-vis de cette violence, comme toutes les autres violences faites aux femmes, doit être de mise, toute atteinte aux femmes est une atteinte aux droits humains. Le privé est politique, les féministes n’ont pas arrêté de le dire et il est temps de changer la donne selon laquelle, comme le dit Letty Cottin Pogrebin : "Quand les hommes sont opprimés, c’est une tragédie. Quand les femmes sont opprimées, c’est la tradition". Toutes les traditions discriminatoires doivent être abolies.

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Noura Amer est présidente d’AWSA-Be, Arab Women’s Solidarity Association-Belgium

AWSA-Be est une association féministe, laïque et mixte qui milite pour la promotion des droits des femmes originaires du monde arabe, dans leurs pays d’origine et/ou d’accueil. Nous sensibilisons à la condition des femmes originaires du monde arabe, brisons les clichés et nous construisons des ponts entre les cultures. Nos actions et nos publications visent à améliorer l’image des femmes originaires du monde arabe en Belgique et à faire entendre leurs voix. Reconnue comme une association d’éducation permanente et de cohésion sociale, AWSA-Be propose des activités socioculturelles variées. Nous participons aussi à de nombreux événements culturels, festivals et autres manifestations pour soutenir la paix, l’égalité et la justice.

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