Sexualité

Faut-il repenser la pénétration dans nos sexualités ?

© Jonathan Knowles / Getty Images

Par Maïna Boutmin

La sexualité parsème nos vies, la pimente, parfois la complique. Souvent discutée portes closes, voire pas du tout, nombreuses sont pourtant les choses à savoir sur la libido, le sexe et le désir. Pour Tipik, découvrez chaque semaine, un article qui parle sans tabou de sexualité, pour la vivre de manière plus épanouie et heureuse.

La sexualité a pendant des siècles constitué un sujet tabou. Son unique fin était la procréation et les rapports devaient s’établir uniquement dans le cadre du mariage pour être considérés comme légitimes. Depuis quelques décennies, particulièrement depuis mai 1968, une révolution sexuelle est en marche. Aujourd’hui, la sexualité à vocation de plaisir est perçue comme une normalité par beaucoup. Malgré tout, ce changement de vision est relativement récent à l’échelle de notre société, et nos sexualités continuent d’être soumises à des normes plus ou moins insidieuses qui nous détournent du plaisir. Les femmes notamment, dont le plaisir a longtemps été perçu comme secondaire. Bien que des dessins de clitoris soient répandus sur les murs des villes, cet organe a longtemps été ignoré voire négligé. Dans les relations hétérosexuelles, la pénétration continue d’être perçue comme centrale au rapport, quand bien même seulement 15% de femmes atteindraient l’orgasme par la pénétration seule. Quant aux hommes, la réticence à être pénétré est encore courante. Progressivement, les langues se délient et interrogent les scriptes qui dictent notre sexualité.

La pénétration, acte central du rapport sexuel ?

En 2019, le romancier Martin Page publie l'essai "Au-delà de la pénétration". Dans cet ouvrage, il questionne la sexualité et la manière dont on l’envisage. Un court texte irrévérencieux, où on peut lire : "Si la sexualité était une question de plaisir, les femmes seraient moins pénétrées et les hommes le seraient davantage." 

Longtemps et parfois encore aujourd’hui, la question de la virginité a pesé sur les femmes. Considérées comme pures si elles n’avaient jamais été pénétrées par un homme. Cette pratique sexuelle donnait indéniablement un pouvoir à l’homme sur la femme, pouvant changer son statut, marquer son corps. La pénétration est donc encore perçue comme une pratique très genrée, les femmes recevant et les hommes donnant. Pour l’auteur, c’est pourtant une manière délétère de concevoir sa sexualité : "La norme sociale s’impose, sauf que ça ne devrait pas être le cas. Il faut voir avec son partenaire ce qui lui plaît, ce qui lui fait du bien. Beaucoup de femmes acceptent la pénétration pour ne pas blesser leurs partenaires et ne ressentent que peu de plaisir." Pour un bon nombre d'entre elles, la pénétration est même douloureuse.

C’est effectivement chez la gent féminine que le livre a eu le plus de résonance : "Au-delà de la pénétration, je l’ai écrit pour moi et pour les hommes mais il a essentiellement été lu par des femmes. À la maison d’édition on a d’ailleurs remarqué quelque chose d’à la fois tragique et surprenant, c’était que des femmes achetaient le livre mais l’envoyaient à des hommes." Pour lui, les hommes ont encore un vrai travail d’écoute à réaliser pour entendre les femmes.

Néanmoins, questionner son plaisir et son désir, passe nécessairement par plus de communication entre les partenaires, et le tabou de la sexualité a la dent dure : "Les gens ont plus de facilité à coucher ensemble qu’à parler ensemble", regrette l’auteur.

Vers plus de plaisir…

Pour l’auteur, il n’est pas question de renier cette pratique ou de l’interdire mais bien de la repenser. "J’aimerais qu’on arrête de voir la pénétration comme obligatoire. On peut aimer la pénétration ou pas et tout est valide. Rien n’est supérieur ou inférieur." Martin Page est favorable à la déconstruction des plaisirs, et invite à interroger ensemble ce que l’on croit juste et bon, pour construire à deux (ou plus), une sexualité heureuse centrée sur le plaisir mutuel. 

Si celle qu’on appelle "la révolution sexuelle" a déjà quelques années, pour l’écrivain elle a seulement permis de détacher la sexualité de la procréation mais un long chemin reste à faire pour s’assurer que la sexualité soit synonyme de plaisir pour tout le monde : "C’est peut-être même la première révolution sexuelle, parce que la première c’était un peu une arnaque. On ne parle pas simplement de coucher quand on veut, il faut s’interroger sur ce qui nous donne du plaisir et ce qui donne du plaisir notre partenaire. Il ne devrait pas y avoir de normes."

Il reste positif quant à la suite néanmoins : "C’est une belle époque, on a de plus en plus de livres qui déconstruisent la sexualité comme Jouissance Club, un fourmillement de podcasts… Ça bouge aussi dans la fiction, à l’image de la série Sex Education, donc les représentations vont bouger. Il y a encore du travail, mais les jeunes garçons vont y être déjà plus sensibles. Et je suis peut-être naïf mais si les hommes aiment les femmes ils vont désirer changer pour elles."

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