Faut-il ralentir les marchés financiers pour éviter krachs et fraudes?

En mai 2010, un seul opérateur en trading haute fréquence a provoqué la plus forte baisse jamais réalisée à Wall Street en un jour. On appelle cet événement le "flash krach".

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Depuis quelques années, la rapidité des transactions n'a cessé d'augmenter sur les marchés. On appelle cela le trading haute fréquence. Une évolution qui pose de nombreux problèmes au point que certains pensent qu'il est temps de ralentir le système.

Une première question : à quelle vitesse se déroulent les transactions aujourd’hui ? L'image est de trois chercheurs de l'UCL qui publient dans "Regards économiques", un article sur le THF, le trading haute fréquence. Le battement d'un cil dure 300 millisecondes. Pendant ce laps de temps, il est théoriquement possible de réaliser plus de 8100 transactions.

C'est impressionnant mais quel est l'intérêt d'aller aussi vite ? Le principal avantage est d'augmenter la liquidité. Les échanges sont plus rapides, on peut ainsi obtenir des meilleurs prix pour les transactions, à l'achat comme à la vente.

L'autre avantage, mais on s'en vante moins, c'est évidemment de générer du chiffre pour les plateformes de trading et les institutions financières qui pratiquent le trading à haute fréquence. Aujourd'hui 50 à 60% des transactions sont réalisées ainsi aux Etats-Unis et 40% en Europe.

Gare à l’instabilité !

Et les inconvénients ? Relevons les deux principaux. Premièrement, le risque d'instabilité des marchés. En 2010, un krach express a été provoqué à Wall Street par un seul opérateur de ce type de trading. Deuxièmement, et surtout, la manipulation. Les failles du système permettent de fausser le jeu, d'influencer les cours. Et c'est très difficilement décelable.

D'où l'idée de ralentir la vitesse des transactions. La réflexion est en cours en Europe, mais elle reste limitée. C'est plus avancé aux Etats-Unis. La bourse IEX pense très sérieusement imposer un ralentisseur à tous ses clients. D'autres marchés devraient embrayer.

Cela devrait permettre de limiter les fraudes comme l'explique Mikaël Petitjean, professeur de finance à la Louvain School of Management : "Cela va les rendre un peu plus compliquées. Cela ne va pas vraiment les empêcher parce que vous pouvez effectuer des opérations frauduleuses à des fréquences plus faibles. Mais cela rend quand même les choses un peu plus complexes dans le sens où le régulateur est mieux armé pour identifier des opérations frauduleuses lorsque les opérations d’achat et de vente se font plus lentement".

Pied d’égalité

Le deuxième avantage est de remettre les acteurs des marchés plus ou moins sur le même pied. Mikaël Petitjean précise : "Le ralentissement introduit de l’hétérogénéité sur les marchés, de la pluralité dans la manière dont on peut introduire des ordres de bourse. C’est important d’avoir une plus grande hétérogénéité non seulement des places boursières mais également des acteurs. On peut imaginer que ce genre de ralentisseur va permettre de rassurer certains investisseurs plus traditionnels qui étaient sans doute effrayés par la vitesse à laquelle on pouvait, et on peut encore, introduire des ordres de bourse".

Il reste évidemment à définir ce que l'on appelle l'investisseur traditionnel. A partir de combien de millisecondes, de minutes, d'heures ou de jours faut-il garder ses titres pour entrer dans cette catégorie ? On est de toute manière très éloigné du petit actionnaire, dit "bon père de famille"!

Pour lire l'étude de Christophe Desagre, Floris Laly et Mikaël Petitjean, cliquez ici.

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