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Faut-il partager vos données médicales à d’autres professionnels que votre médecin ?

À l’aide de la carte d’identité du patient, les médecins généralistes ou spécialistes peuvent accéder à diverses données médicales. Les pharmaciens et d’autres professionnels de la santé aussi mais dans une moindre mesure. Or, il est question d’élargir cet accès et de permettre à tous les acteurs de la santé de consulter l’ensemble des données d’un patient. L’ABSyM, l’association belge des syndicats médicaux, critique cet élargissement et, selon une enquête réalisée à sa demande, les patients seraient eux-mêmes réticents.

Votre carte d’identité : un vrai réservoir de données médicales

Lors d’une visite chez le médecin, le patient doit généralement présenter sa carte d’identité, pas pour s’identifier mais pour permettre au médecin d’avoir accès à toute une série de données médicales telles que maladies, antécédents médicaux et familiaux, traitements médicamenteux, résultats d’analyses de sang et de radiologie, ainsi que rapports de consultation chez les spécialistes et d’hospitalisations.

Les professionnels de santé qui ne sont pas médecins n’ont qu’un accès restreint à ces données médicales. Un pharmacien, par exemple, lorsque le patient lui remet sa carte d’identité, ne peut consulter que ses médicaments, allergies et intolérances médicamenteuses.

Il est prévu de lever peu à peu ces restrictions et de donner automatiquement aux autres professionnels de santé comme les dentistes, les kinésithérapeutes, les infirmières et les pharmaciens, le même accès que celui des médecins dès que le patient leur donne sa carte d’identité. On envisage même, depuis peu, d’étendre ce droit aux psychologues, logopèdes, diététiciens, orthopédistes, podologues, etc.

Une majorité de citoyens refuseraient que leurs données soient partagées largement

L’ABSyM, l’association belge des syndicats médicaux, est contre cet élargissement. Elle estime que les médecins sont les mieux à même d’utiliser ces données et elle revendique pour les patients le droit de choisir s’ils veulent ou non partager leurs données médicales à des prestataires de soins non-médecins tels que les infirmier(e)s, les pharmacien(ne)s, les dentistes ou encore les kinésithérapeutes.

L’association a donc commandé à l’IPSOS une enquête nationale pour sonder l’opinion des patients (1). Les résultats de cette enquête menée début septembre auprès de 1477 citoyens montrent que 50% des personnes interrogées souhaitent pouvoir refuser l’accès à leurs données médicales à certaines professions de santé. Parmi celles-ci, 25% souhaitent le refuser aux infirmiers, 30% aux pharmaciens, 40% aux dentistes et 47% aux kinésithérapeutes.

Par ailleurs, 18% des citoyens belges souhaitent bloquer l’accès à leurs données médicales à l’ensemble des professionnels non-médecins. Cela fait donc 68% des patients qui souhaiteraient limiter le partage de leurs données, tant au nord (68,5%) qu’au sud du pays (67,5%). Seule une minorité (32%) accepterait que ces quatre professions paramédicales puissent accéder à leurs données médicales.

Le patient peut refuser le partage de ses données mais ce serait trop radical ou trop lourd

Actuellement, il est possible de refuser cet accès à tous les professionnels de santé sur le portail www.masante.belgique.be. Mais, dénonce l’ABSyM, c’est tout ou rien, la démarche empêche le patient de consulter ses propres données médicales et les médecins qu’il consulte perdent leur droit d’accès. Autre possibilité, il est permis de refuser l’accès à un ou plusieurs professionnels de santé mais en les identifiant nominativement un à la fois, ce qui est fastidieux, voire impossible.

Pour le docteur David Simon, administrateur du syndicat médical, "le plus simple serait que le patient puisse refuser cet accès en une fois à tous les membres d’une ou plusieurs professions sur le portail www.masante.belgique.be. Aujourd’hui, pour y parvenir, il devrait faire cette manipulation pour chaque membre de chacune de ces professions l’un après l’autre. Or, ils sont des milliers de prestataires par profession, c’est donc irréaliste. Cela risque de pousser des patients à bloquer l’accès total à leurs données, y compris à eux-mêmes et à leur médecin, ce qui serait dangereux et nuisible pour tous."

Une démarche corporatiste pour protéger les privilèges des médecins ?

Et quand on demande au docteur Simon si la démarche de l’ABSyM n’est pas un réflexe corporatiste pour réserver l’accès aux données médicales aux seuls médecins, il répond : "pas du tout. Je reconnais d’ailleurs que le partage des données peut s’avérer bénéfique pour le patient, par exemple si un pharmacien ou un kiné détecte un souci qui n’a pas été soumis à un médecin. Mais ce que nous voulons avant tout, c’est garantir aux patients le droit de choisir avec qui ils veulent partager des données qui relèvent de la vie privée la plus intime."

"68% des Belges ne peuvent être privés du droit de refuser de partager leurs données médicales avec certaines professions de santé. C’est bien plus que les soi-disant 5% de paranoïaques qui refusent le progrès scientifique, pour reprendre les termes d’un des défenseurs de l’élargissement."

"Ce que nous redoutons, c’est qu’on aboutisse à un dossier central unique qui serait placé dans une immense base de données gérée par l’administration de la Santé et l’INAMI. Or, c’est le souhait de certains, nous le sentons lors des discussions qui ont lieu depuis des mois dans les instances fédérales à propos de l’Arrêté royal en préparation. Nous, notre ADN à l’ABSyM, c’est de défendre les droits et les intérêts des médecins mais aussi des patients. Et nous estimons que le droit et la liberté de choisir avec qui on communique ses données médicales sont prioritaires."

(1) L’enquête a été menée en Belgique le 5 septembre 2022 par IPSOS Belgique auprès d’un échantillon représentatif des citoyens belges âgés de 18 à 80 ans via IPSOS Sprint.

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