Belgique

Faut-il changer de stratégie face au coronavirus ?

Par Arnaud Ruyssen

Voilà plus de 20 mois maintenant que nous sommes confrontés à cette épidémie de Covid qui n’en finit pas de chambouler notre quotidien. Vague après vague, la question se repose : adopte-t-on la bonne stratégie face à ce virus ? Pour l’infectiologue Nathan Clumeck, il est grand temps de changer de d’approche et de se concentrer sur la protection des personnes vulnérables. Dans Déclic on a soumis cette idée à l’épidémiologiste Marius Gilbert (ULB).

Une stratégie ? Quelle stratégie ?

Jusqu’ici la stratégie de lutte contre le Covid adoptée dans nos pays européens est en quelque sorte un entre-deux, un "ni ni" : ni une stratégie de circulation du virus pour rechercher une immunité collective (qui serait très meurtrière selon la plupart des spécialistes), ni une stratégie de "zéro-covid" telle que la pratiquent plusieurs pays asiatiques où il s’agit d’empêcher toute circulation du virus en intervenant radicalement sur chaque foyer découvert, pour le circonscrire au plus vite.

Nos gouvernements ont choisi une voix médiane : tolérer une certaine circulation du virus en maintenant une série de mesures de protection et intervenir fort en limitant les contacts sociaux à chaque fois que l’épidémie s’emballe comme c’est le cas en ce moment. Ils ont aussi beaucoup misé sur la protection vaccinale qui protège bien contre les formes graves mais qui s’est avérée décevante sur l’enjeu de la transmission (du moins pour la vaccination à 2 doses).


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Protéger mieux les personnes vulnérables

Alors que le pic de la 4ème vague semble dépassé, l’infectiologue Nathan Clumeck, ancien chef de service au CHU Saint-Pierre estime qu’il est temps de faire évoluer cette stratégie : "Moi je pense que le point principal c’est de protéger les personnes vulnérables… ce sont ces personnes que nous trouvons dans nos hôpitaux, dans nos soins intensifs et ce sont ces personnes qui font que toute notre société est paralysée".

Pour lui il s’agit donc de protéger aux mieux ces personnes contre les formes graves, notamment par la vaccination : "Dans un premier temps on a pensé qu’on parviendrait, grâce au vaccin, à contrôler la transmission ET la maladie. Aujourd’hui nous voyons que la transmission n’est pas contrôlée… donc arrêtons de mettre une énergie considérable pour contrôler cette transmission et focalisons-nous sur les plus vulnérables."

Découpler deux manières de penser

Confronté à cette idée, l’épidémiologiste Marius Gilbert (ULB), estime aussi qu’il y a lieu de questionner notre stratégie : "Je pense qu’on doit en tout cas découpler notre façon de penser… d’un côté on doit voir ce que l’on peut faire pour diminuer la transmission – et là-dessus on voit que le vaccin n’est pas suffisant donc il faut d’autres mesures (ventilation, définition des lieux à risque,…) – et puis, à côté de cela, il y a la vaccination dont la fonction première est une fonction de protection".

Mais Marius Gilbert se méfie de l’argument qui suggère de "demander aux personnes à risques de se protéger pour laisser vivre la société" (qui n’étaient pas les mots choisis par Nathan Clumeck). "Le problème de cet argument, c’est qu’il suggère que toutes les personnes à risques sont en mesure de se protéger. Or aujourd’hui, cette protection, certaines personnes ne l’ont pas parce qu’elles la refusent mais aussi parfois parce qu’elles manquent d’informations… c’est vrai particulièrement dans les publics précarisés. Par ailleurs, certains ignorent tout simplement qu’ils sont à risque. Il y a toute une série de personnes qui font des formes graves sans pour autant rentrer dans les critères classiques de comorbidité".

Sortir de la logique du Yo-Yo

Pour celui qui est aussi directeur de recherche au FNRS, il est donc compliqué à ce stade de faire reposer toute notre stratégie sur la protection des plus vulnérables "les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui parviennent quand même à maintenir un frein sur la transmission."

Ceci dit, Marius Gilbert estime quand même qu’il y a un gros problème de manque de stratégie de long terme dans la gestion de cette crise, chez nous. "Le problème c’est qu’aujourd’hui on est vraiment dans une logique de yo-yo, on n’a pas de continuité dans la stratégie, ni dans les messages qui sont envoyés, ce qui fait que tout le monde s’y perd… En gros on intervient le moins possible jusqu’à ce que les soins intensifs soient saturés. On va chaque fois au point limite et on tire sur le frein au moment où on a le nez sur la limite. Or, il faut désormais penser une stratégie de long terme, ce qui est important aussi en termes de continuité de communication."

De la matière à penser pour la suite, surtout que le variant Omicron pourrait bien venir encore compliquer l’équation dans les prochaines semaines.

Plus de détails dans la vidéo ci-dessus, extrait de Déclic votre Talk Info chaque soir à 17H sur La Première et à 19H sur la Trois, en télé.

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