Le gouvernement est donc parvenu à s’accorder sur des mesures de soutien aux ménages confrontés à la hausse des prix de l’énergie. A peine l’accord annoncé, la plupart des commentaires ont dénoncé la faiblesse des mesures. Mais tout ça révèle un problème beaucoup plus profond : faut-il assumer une stratégie de l’énergie chère ?
Déluge de critiques
La seule chose qui semble plus ou moins passer crème c’est la prolongation de l’extension du tarif social. Sinon tout y passe : le fait que le Gaz ne soit pas visé, le fait que Marc Coucke va aussi avoir droit à une prime, le fait que la baisse temporaire de la TVA va faire reculer la prochaine indexation des salaires, le fait que les effets de cette décision vont intervenir alors que la saison de chauffe sera pratiquement terminée. Het Laaste Nieuws titre ironiquement ce matin, que le gouvernement : "vous offre 11 jours d’énergie en cadeau".
Face à cette déferlante attendue, le Premier ministre Alexander De Croo se retranche derrière ses “boosters” pour le pouvoir d’achat. Sa stratégie c’est de ne pas isoler le problème de l’énergie, mais d’évoquer toutes les mesures qui de près ou de loin touchent au pouvoir d’achat. Y compris la suppression de la cotisation spéciale de sécurité sociale et y compris des mesures que sont gouvernement n’a pas décidées comme les trois indexations automatiques des allocations et des salaires intervenues récemment. Tout mis ensemble pour un ménage cela pourrait atteindre entre 300 et 500 euros par mois annonce le Premier ministre.
Et la transition ?
Le problème des prix de l’énergie, pose un problème beaucoup plus compliqué au gouvernement, c’est celui de la transition énergétique. Si la hausse fait si mal c’est que, outre les raisons géostratégiques et économiques, chez nous les prix de l’énergie sont déjà très élevés. Les raisons en sont multiples et complexes mais en partie liées aux taxes. La Belgique n’est pas la seule dans ce cas. Les prix sont aussi élevés aux Pays-Bas ou en Allemagne pour financer la transition énergétique.
Au pays bas, une taxe sur la transition a été diminuée provisoirement sur l’électricité mais pas sur le gaz. Le gouvernement voulant ainsi pousser les Néerlandais vers les pompes à chaleur et donner un signal : le gaz, c’est fini. En Allemagne, où le prix de l’électricité est le plus cher en Europe, les interventions publiques ont été limitées, mais une taxe sur la transition a aussi été diminuée. Au Pays Bas et en Allemagne la politique des prix élevés est un choix qui s’inscrit dans une stratégie d’investissement dans la transition. Un choix mis provisoirement entre parenthèses.
Mais pourquoi ?
Les Néerlandais et les Allemands s’inscrivent dans une stratégie revendiquée d’une énergie chère censée permettre l’investissement dans l’avenir. Les citoyens sont préparés à ce que les prix ne descendent pas dans l’immédiat. Or, ces derniers mois révèlent un problème majeur. Dans la stratégie belge de l’énergie chère, on voit bien le “chère” mais on voit beaucoup moins où est la “stratégie”.
Le gouvernement n’a même pas encore décidé de sortir ou non du nucléaire. Les régions tracent leur route de leur côté. La Belgique est dans un brouillard décisionnel très opaque. Le prix et la stratégie de transition sont largement découplés. Pour la plupart d’entre nous, les prix apparaissent donc comme arbitrairement élevés.
Pour l’avenir, le gouvernement prévoit de travailler sur un lissage des prix via un système de cliquet, pour éviter les montagnes russes. Mieux prévoir les prix est indispensable. Mais sans une stratégie de transition lisible et assumée par l’ensemble des membres du gouvernement, la facture d’énergie risque bien d’apparaître encore longtemps comme une injustice à beaucoup de citoyens.