Pour se positionner éthiquement sur les mesures sanitaires qui sont prises pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, l’éthicienne rappelle que l’association des valeurs de solidarité et de liberté est un principe de base. Sur la vaccination obligatoire, c’est une mesure qui est éthiquement acceptable "à certaines conditions, et à certains moments."
"Il est éthiquement acceptable, parfois, de faire prévaloir la valeur de solidarité sur la valeur de liberté, a dit le comité de bioéthique à trois reprises, pour autant qu’un certain nombre de conditions soient remplies. La première, il faut avoir fait ce qu’on pouvait pour solliciter l’adhésion volontaire à la vaccination. Le deuxième point, c’est que cette mesure est nécessaire pour protéger une partie de la population qui est fragilisée : par exemple les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner, ou qui, bien que vaccinée, aient un profil immunitaire qui ne permet d’être complètement protégées. Ensuite, il faut que ce soit proportionné entre les moyens utilisés, et l’objectif visé. Il ne s’agit donc pas d’aller chercher des personnes chez elles avec des menottes ou en les brutalisant, car ce serait disproportionné."
Sortir d'une polarisation du débat
Il y a un an, le comité consultatif avait demandé une réflexion anticipée sur cette vaccination obligatoire, qui a fait face à un refus politique. Assiste-t-on à une évolution des mentalités, en parallèle de l’évolution de la manière dont le coronavirus continue de bouleverser notre quotidien ? "Le comité est une instance qui n’est pas tenue de plaire sur le plan électoral. Elle peut dire des choses qui ne sont pas populaires à un moment donné. Et à l’époque, venir dire que nous ne viendrons peut-être pas à bout de cette pandémie uniquement avec la vaccination volontaire, c’était très impopulaire. Nous avons néanmoins eu la clarté d’esprit de dire qu’il fallaitt garder ce scénario en tête, sinon la population aura eu la sensation d’avoir été trahie dans ses attentes."
"Ce qui manque, c’est de sortir de cette polarisation pour et contre. Finalement, quel est le scénario derrière cette vaccination obligatoire : finaliser cette pandémie ? Ce n’est pas certain, car le vaccin ne protège que partiellement dans les contaminations. Il faut mettre des mots sur le scénario que l’on cherche à atteindre, et c’est à ce moment-là que l’adhésion pourra survenir." Et de rappeler que la médecine n’a pas la solution miracle."Quasi aucune intervention de santé n’est bénéfique à 100%. Il faut faire avec, il faut combiner pour atteindre le résultat voulu."
Par contre, sur la question de prendre des mesures spécifiques envers les personnes non-vaccinées, comme c’est le cas en Autriche où les non-vaccinés sont en confinement, c’est niet. "Le comité n’a jamais pris position sur ce sujet. Ma position personnelle est que ce n’est pas éthiquement défendable."