Belgique

Face-à-face PS-N-VA à Jeudi en Prime : Thomas Dermine et Theo Francken ne sont pas sur la même longueur d’onde

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Par Jean-François Noulet

Un face-à-face était à l’affiche de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une. Thomas Dermine (PS), Secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la Politique scientifique, adjoint au ministre de l’Economie était opposé à Theo Francken (N-VA), député fédéral et ancien secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations de 2014 à 2018.

Au menu, le budget et le coût de la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité, l’avenir du gouvernement De Croo, la politique d’asile et la prochaine échéance électorale.

Désaccord autour du budget fédéral et de la baisse de TVA sur l’énergie

Depuis la semaine dernière, le gouvernement fédéral est sous le feu des critiques. C’est d’ailleurs la N-VA qui a dégainé en exposant des différences entre le budget présenté au gouvernement et les chiffres qui avaient précédemment été communiqués. Depuis une dizaine de jours beaucoup de discussions politiques tournent autour du coût de la baisse de la TVA sur l’électricité et le gaz et d’une réforme des accises confirmée par le Premier ministre. Depuis lors, des questions restent sans réponses. Quel sera le déficit budgétaire ? Combien coûtera la baisse de la TVA ? Celle-ci sera-t-elle définitive ? Les contribuables repaieront-ils en accises ce qu’ils auront gagné en TVA ?

Sur ces points, la N-VA reste critique. "Le problème est que les chiffres ne sont pas justes", déclare Theo Francken. Il pointe directement la question de la TVA à 6% sur l’énergie. "Le Premier ministre dit que la TVA à 6% va coûter 1,5 milliard d’euros mais qu’on va augmenter d’autres taxes parce qu’il faut une neutralité budgétaire", explique Theo Francken. "D’autre part, les Socialistes disent que ce n’est pas vrai, que c’est vraiment quelque chose pour le pouvoir d’achat, qu’on va diminuer la TVA et qu’il n’y aura pas la neutralité budgétaire immédiatement", ajoute Theo Francken qui se demande qui croire.

Pour Thomas Dermine, rappelle que la TVA était à 6% sous le gouvernement Di Rupo, qu’elle est repassée à 21% sous le gouvernement précédent (gouvernement Michel). Dans le contexte actuel, la TVA à 6% est, pour Thomas Dermine, "un levier essentiel pour retrouver du pouvoir d’achat". Dès lors, ajoute-t-il, "elle a vocation, l’année prochaine, d’être permanente aussi longtemps que les ménages belges en ont besoin pour aider leur pouvoir d’achat".

Quant au coût de cette TVA à 6% et son éventuelle compensation par des accises pour atteindre la neutralité budgétaire défendue par le Premier ministre Alexander De Croo, pour Theo Francken, "cela donne l’impression qu’on donne aux gens et qu’on reprend par ailleurs". Pour Thomas Dermine, aider les gens a un coût. Cette baisse de la TVA, "on peut la compenser par une réforme fiscale qu’on appelle de nos vœux, mais pas nécessairement mesure par mesure, et c’est la base de l’incompréhension aujourd’hui", explique Thomas Dermine. Ce dernier attendra les propositions du Premier ministre. "Si le Premier ministre a des idées pour aller compenser sur des catégories de population qui n’ont pas besoin de ces aides aujourd’hui, on écoutera", poursuit Thomas Dermine.

La situation budgétaire oppose donc N-VA et PS. Pour Theo Francken, avec le déficit budgétaire qui se profile, "on ne peut pas dire qu’on est responsable et avoir le pire budget de l’Union européenne".

Thomas Dermine, lui, défend le déficit prévu par le gouvernement. "Quand il y a des crises, l’Etat doit prendre un rôle plus fort, quitte à s’endetter pour éviter que le moteur socio-économique du pays ne soit cassé", estime-t-il. Pour lui, cette dette que l’on creuse, notamment en poursuivant des investissements "environnementaux" ne handicape pas forcément les générations futures.

Pour la N-VA, ce gouvernement fédéral doit tomber

Dans l’opposition, la N-VA ne cesser de critiquer le gouvernement fédéral. Aujourd’hui, Theo Francken confirme qu’il faut, selon lui, faire chuter le gouvernement. "Pour moi, oui, absolument, parce que ce gouvernement n’est pas correct", déclare-t-il. "Ce n’est pas un gouvernement qui donne ce que les Flamands veulent", explique-t-il. "En 2019, les Flamands ont voté à droit et flamand (ndlr N-VA et Vlaams Belang) et ils ont un gouvernement de la Belgique à papa et de gauche. Alors oui, il y a un problème démocratique avec ce gouvernement", ajoute Theo Francken.

A cela, Thomas Dermine répond : "pendant cinq ans, vous avez eu le gouvernement le plus à droite de l’histoire avec seulement 20% de francophones. Là, c’était l’inverse, un gouvernement assumé à droite, voire très à droite et très dominant en Flandre, sous-représenté avec juste les petits MR. Est-ce que pour autant le bilan de réforme est plus élogieux ?", ajoute Thomas Dermine. Et de critiquer l’absence de réforme des pensions à l’époque ou le fait d’avoir laissé se poursuivre le processus de sortie nucléaire, alors qu’aujourd’hui la N-VA fait partie de ceux qui réclament un avenir pour le nucléaire en Belgique.

Du côté des réformes que la Vivaldi devrait mener, selon Théo Francken, il y a celles en matière d’emploi, notamment l’activation des chômeurs. Il s’étonne par exemple de constater des taux de chômage élevés à Bruxelles alors que dans le Brabant flamand, on cherche de la main-d’œuvre. Pour lui, en matière d’activation des chômeurs, "l’approche n’est pas correcte" en Wallonie et à Bruxelles.

A ces critiques en matière de politique de l’Emploi, Thomas Dermine souligne que "le gouvernement Michel, sur trois ans, a créé 230.000 emplois", mais que "la Vivaldi fait mieux". "Avec des recettes différentes et un ministre de l’Emploi socialiste, on a créé 250.000 emplois sur les premières années du gouvernement jusqu’à la crise ukrainienne", précise Thomas Dermine.

Divergences à propos de la politique migratoire

A propos de la politique migratoire actuelle et les arrivées de demandeurs d’asile auxquelles la Belgique est pour le moment confronté, Theo Francken estime que "la porte est trop ouverte". "Ils doivent mener une politique de dissuasion, parce que pour l’instant on ne peut plus gérer la crise", estime celui qui a été au poste de secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations dans le gouvernement précédent. "A Bruxelles, il y a 150 enfants sans mère et sans père qui dorment dans la rue et devraient être dans un centre d’accueil pour réfugiés. Ils n’y sont pas", expose Theo Francken. "Avec les socialistes, on a dit qu’on allait mener une politique d’asile anti-Francken", note le député N-VA. "Combien d’enfants sans parents ont vécu dans les rues de Bruxelles sous mon mandat ? Zéro. Chez vous, 150 et ça se détériore tous les jours", lance-t-il à Thomas Dermine.

"On a une politique migratoire qui est différente", répond le socialiste Thomas Dermine. "La condition pour qu’on entre dans ce gouvernement était de dire, on va accompagner au mieux, mais il n’y aura pas d’enfants enfermés, ni de visites domiciliaires", explique Thomas Dermine qui reconnaît qu’il y a "une crise avec des flux très importants". Au sujet des enfants dans la rue, "en tant que papa, ça me préoccupe énormément, la situation de ces enfants, on doit avoir une approche cas par cas, surtout à l’approche de l’hiver. Je suis comme vous, je partage cette indignation", poursuit Thomas Dermine qui tient à mettre en avant "l’approche radicalement différente", de ce gouvernement et la "création de places d’accueil à une vitesse inégalée". "On a un flux qu’on doit pouvoir absorber dans les prochains jours", ajoute Thomas Dermine.

N-VA et PS amenés à discuter après les prochaines élections ?

Le prochain scrutin fédéral, ce sera en 2024. Après cette échéance la N-VA vise une nouvelle réforme de l’Etat. Quel sera le verdict des urnes ? Theo Francken a déjà une idée. "C’est nécessaire d’avoir un accord avec des partenaires francophones. Et il y a de grandes chances que le parti numéro 1 en Wallonie, ça reste le PS", déclare Theo Francken.

Avant la formation de la coalition Vivaldi, il y a des approches et des discussions avec la N-VA, mais ce parti est resté dans l’opposition. Cela sera-t-il différent en 2024 ?

"Ce débat le montre très clairement, d’un point de vue politique, tout nous oppose. On a eu un débat sur le marché du travail, un débat sur la migration, on est des partis politiques avec des points de vue radicalement différents", souligne Thomas Dermine à propos de la N-VA. "Là où Monsieur Francken est nationaliste, je suis fier d’être wallon, mais je suis aussi très très fier d’être belge", ajoute-t-il. µ

"On doit arrêter de diaboliser la N-VA et de diaboliser Francken. C’est pour ça que je suis ici", répond Théo Francken. Entre francophones et flamand, "on doit parler. C’est nécessaire d’être responsable et de parler".

"Le but n’est pas du tout de diaboliser", répond Thomas Dermine. "Le pire en Belgique, c’est qu’on est un petit pays extraordinaire, avec des atouts incroyables, une diversité qui est une force, mais que nos communautés dialoguent trop peu", poursuit le secrétaire d’Etat Dermine.

A voir d’ici 2024 et surtout après le prochain scrutin législatif ce que le dialogue donnera.

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