Un homme camouflé sous une cagoule glaçante du Ku Klux Klan ; un double portrait du roi Leopold II, l’un d'entre eux est peint en négatif ; un autre de Patrice Lumumba ; un autre encore de la Princesse Élisabeth, le visage caché derrière un masque africain… Ce sont autant de sujets traités par l’artiste anversois belgo-congolais David Katshiunga, dans ses œuvres exposées en ce moment au Parlement. Des tableaux en bois peints en noir et blanc. Monumental et puissant à la fois. Le plus grand mesure 3m50 sur 2m20.
Pour créer ces œuvres, David Katshiunga a trouvé l’inspiration dans le livre "Dochter van de dekolonisatie" (Fille de la décolonisation. Ed. Epo 2020) de la politologue Nadia Nsayi . Dans ce livre, l’auteure pose un regard critique sur le passé colonial et sur l’avenir à partir de son histoire familiale. "Ce livre a créé un choc chez moi", explique David Katshiunga. Son procédé pour cette exposition ? L’artiste a transformé des passages du livre en une série de portraits.
"Jusque-là, je n'avais jamais parlé du passé colonial et de ses conséquences avec mon entourage issu de la diaspora congolaise", poursuit l’artiste. David Katshiunga a quitté le Congo pour la Belgique à l'âge de six ans, avec ses cinq frères et sœurs. Une décision difficile pour ses parents. "J'ai eu du mal à m'adapter à une nouvelle société, étant le seul garçon congolais de la classe." Il a grandi à Malines, puis s’est installé à Anvers. Il a commencé à peindre pendant ses études de design graphique. "J’ai commencé à dessiner des portraits dans le train, fasciné par les expressions des visages", se souvient l’artiste anversois.
"Lorsque j’ai raconté des passages du livre de Nadia Nsayi à ma famille, c’était la première fois que je parlais du passé colonial et ça faisait du bien", explique David Katshiunga. "En même temps, je réalisais que mes neveux et nièces étaient complètement déconnectés de cette histoire, ils ne comprenaient rien. Car ce n’est pas enseigné à l’école… C'est de là que m’est venue l'inspiration. J’ai voulu illustrer des moments clés de l'histoire entre la Belgique et le Congo qui ont une influence jusqu'à aujourd'hui."
Située à l’entrée du Parlement, l’exposition ‘Authenticité’ créé ainsi un espace de discussions sur la colonisation et la décolonisation. "Les jeunes issus de la diaspora doivent savoir d'où ils viennent, pour construire leur avenir, pour nourrir leur identité. Ils doivent connaitre l’Histoire commune de la Belgique et du Congo."
Le lieu d'exposition n'est pas choisi au hasard. Une Commission parlementaire est chargée d’examiner l’Etat indépendant du Congo (1885-1908) et le passé colonial de la Belgique au Congo (1908-1960), ses conséquences et les suites qu’il convient d’y réserver. Elle organise tous les lundis des auditions de témoins et d’experts, notamment historiens pour alimenter ses réflexions. Un rapport avec des recommandations ne devrait pas être publié avant le printemps 2023.