C'est un fléau qui touche de plus en plus de Belges... Le stress au travail. Il concernait 30% des travailleurs en 2012... 45% aujourd'hui, selon un enquête Solidaris. Comment expliquer une telle explosion ces dernières années? Quelles réponses individuelles mais surtout sociétales à y apporter? Pour en parler, deux invités: François Perl, directeur général à l’INAMI, et Nicolas Clumeck, psychiatre, directeur de la clinique de la gestion du stress et du burn-out (le Domaine).
Burn-out et dépression
Il n’existe pas de diagnostic officiel pour le burn-out, qui n'est pas reconnu comme une maladie professionnelle, mais comme maladie liée, en partie donc, au travail. Nicolas Clumeck le définit comme ceci: "c'est un épuisement émotionnel associé à un épuisement physique, dû à un stress chronique lié au travail et qui va avoir un impact sur le fonctionnement psycho-social de l'individu".
Le bun-out est à différencier de la dépression, qui implique souvent des antécédents psychiatriques et toujours une tristesse ou une perte de plaisir, "mais les deux sont souvent liés: quand le burn-out décompense, on a souvent des symptômes de dépression, et l'un peut entraîner l'autre", explique le psychiatre.
Le burnout, c'est ce qu'était le mésothéliome il y a 30 ans
Selon les estimations de l'INAMI, il y avait en 2018 près de 91 500 travailleurs invalides, en raison d'une dépression ou d'un burn-out, soient 24 000 de plus qu'en 2014. "C'est quasi un doublement en 10 ans", explique François Perl, "et il y a probablement des dizaines de milliers de personnes à y ajouter, puisque l'absentéisme des fonctionnaire statutaires n'est pas pris en considération dans cette statistique".
"Pour moi, le burn-out, c'est ce qu'était le mésothéliome [cancer dont la principale cause est l'exposition aux fibres d'amiante, Ndlr] il y a 30 ans ou la silicose il y a une centaine d'années: la résultante de conditions de travail qui ont changé" [...] "Le secteur tertiaire ayant pris une part très importante dans le marché de l'emploi, les pathologies liées au travail dans ce secteur augmente de manière corrélative", explique le directeur général à l’INAMI.
Causes et conséquences
Une explosion du nombre de cas constatée par le directeur de la clinique de la gestion du stress et du burn-out: "on a vraiment l'impression d'une souffrance de plus en plus importante, parce que je crois qu'il y a une pression du travail de plus en plus importante, liée en partie à la digitalisation", explique Nicolas Clumeck. Et aux conditions de travail en tant que telles: "des conditions de plus en plus difficiles, on est beaucoup trop sur un modèle de performance, trop axé sur les résultats" [...] "On demande à des travailleurs d'atteindre des objectifs pas réalisables, ce qui crée une frustration et un sentiment de dévalorisation. Enfin, la frontière entre vie privée et professionnelle est beaucoup moins claire à cause de la sur-connexion".
Ce qui amène à une surcharge de travail et à un stress chronique, parfois depuis des années, et dont la personne n'arrive plus à récupérer, précise le psychiatre qui rappelle les effets physiques du stress chronique: problèmes de dorsalgies, risques cardiovasculaires et espérance de vie impactée.