Tendances Première

Expérience vécue : les ventes publiques, pas toujours de tout repos. Mais rarement une bonne solution

© boonchai wedmakawand / Getty Images

Marc Van Beneden, notaire, aborde la question des ventes publiques. Il le fait à travers une expérience vécue. Récit d'une expérience malheureuse, d'un accident de la vie. Des ventes publiques qui, bien souvent, pourraient être évitées. 

Un scénario hollywoodien 

En 2012, je lis dans un article de presse, qu’ un notaire bruxellois a reçu un coup de poing au moment où il s’apprêtait à adjuger 2 biens immeubles dans le cadre d’une vente publique sur saisie.

Ce notaire a évité d’autres coups grâce à une fuite éperdue : il a juste eu le temps de s’enfermer dans un local situé à côté de la salle de vente. Le saisi accompagné de sa famille a brisé la vitre et la porte de ce local… Heureusement, grâce à l’intervention de la police, le forcené et sa famille ont été maîtrisés.

En 2014, je suis contacté par l’avocate de la banque qui avait procédé à la saisie de ces immeubles. Elle me demande si je suis disposé à poursuivre la mission de mon Confrère. J’accepte sans trop réfléchir… 

Les accidents de la vie

Je convoque les saisis et ils me racontent leur histoire. J’imaginais, à l’époque, que la meilleure des solutions c’était cela : les rencontrer, leur parler, comprendre. Ils étaient respectivement propriétaires des 2 immeubles saisis : le fils, propriétaire d’un des immeubles, avait contracté un crédit pour l’acheter ; la maman avait affecté son immeuble en garantie du crédit du fils.

Malheureusement, le fils, ayant perdu son emploi et malade, n’a pu poursuivre le remboursement du crédit. La famille s’est donc retrouvée dans une situation compliquée.

Je ne peux évidemment pas juger de la véracité des dires des saisis… Lors de cet entretien, j’essaie de les persuader qu’il y a toujours des solutions. Malheureusement, cet entretien n’a servi à rien.

Le saisi persiste à ne vouloir rembourser aucune somme à la banque qui est " inhumaine " !

A partir de ce moment-là, je vis une procédure de vente publique comme jamais je ne l’ai vécu !!

 

Je suis obligé d’organiser les visites et de fixer une date de vente. Ces visites se sont très mal passées ! Les visiteurs étaient amenés dans un salon où trônait une table en bois avec un couteau planté au milieu de la table ! Egalement présents, 2 gros chiens, très impressionnants qui gambadaient dans la maison en grognant. Les visites étaient donc effectuées sous très haute tension !

Néanmoins, la date de la séance de vente fut maintenue. J’ai eu, pour la première fois de ma vie de notaire, contact avec le juge des saisies qui n’avait de cesse de m’encourager… Sympa…

J’entre dans une salle de vente située au centre de Bruxelles et pleine de monde ! Chose particulière : la présence de 2 policiers que le juge avait requis dans la salle de vente afin de protéger les futurs acheteurs et… le notaire.

Je constate que 90 % des personnes présentes sont des membres de la famille du saisi et des amis. Tous filment avec leur Ipad et téléphone le déroulement de la séance.

Quelques professionnels étaient malgré tout présents ainsi que le représentant de la banque et une autre personne chargée de faire une offre à défaut d’une surenchère.

Je commence à expliquer le cahier des charges et décrire les biens. Je vois bien que personne n’écoute. Je débute donc les enchères… Personne ne bouge jusqu’au moment où je m’aperçois que le préposé de la banque chargé de faire offre pour les 2 biens, me fait un signe discret pour une offre de 25.000 €. J’annonce à la salle l’offre de 25.000 € pour les 2 immeubles.

A l’époque, lorsqu’on adjugeait un bien en première séance, il y avait toujours une seconde séance et adjudication sous réserve de surenchère lors de cette dernière séance. Il était toujours bon d’avoir au moins une offre acceptée afin de l’annoncer dans la publicité.

N’ayant aucune autre offre, je m’apprête à adjuger les biens au prix de 25.000 € (de mémoire) pour les 2 maisons : le notaire a un " marteau " et doit taper 3 fois sur le bureau. Avant de taper le troisième coup, je sens un mouvement de colère dans la salle.

Je vois le saisi qui se jette sur le banquier avec son frère et tous deux le rouent de coups. Le banquier est balancé sur l’estrade et est toujours molesté par les 2 personnes bâties comme des rugbymen ! Les 2 policiers arrivent, se précipitent sur l’estrade et se jettent à leur tour sur le banquier, le saisi et son frère.

Bagarre générale dans la salle de vente !

J’interromps la séance ! Des renforts arrivent, tout le monde sort. Des personnes sont arrêtées et l’ambulance emmène le banquier la tête en sang. Oups !....

Que faire ?

Je n’ai pas eu le temps d’adjuger le bien.

Je téléphone au Juge et à l’avocat pour leur demander leur avis... Je décide d’adjuger les biens au prix de 25.000 € ce qui était la dernière offre pour les 2 immeubles. Je fais revenir un autre représentant de la banque ainsi que la personne qui a fait offre à 25.000 €. Le procès-verbal est signé et nous pouvons donc annoncer, dans la publicité, que les 2 biens ont été vendus à 25.000 € !

Les annonces dans la presse provoquent un afflux de visites avec, je l’espérais, une salle bondée de vrais amateurs et non plus de soutiens au saisi.

Mais les visites restent toujours catastrophiques, décourageant les éventuels acheteurs : chiens grognant, couteaux sur la table….

Je fixe une nouvelle date de séance de vente en accord avec le Juge. Cette fois, le Juge prend la décision d’interdire l’accès à la salle au saisi et sa famille. Je me retrouve, dès lors devant une foule apaisée, me semble-t-il, entouré de 2 malabars conseillés par une copine huissière de justice car la police n’a pas pu m’envoyer des représentants. J’adjuge le bien de la maman à un prix tout à fait correct. J’informe les acheteurs du cas particulier de cette vente et les informe qu’il sera probablement difficile d’accéder aisément au lieu mais qu’ils peuvent compter sur mon aide ainsi que celle du Juge.

Quelques minutes après la première adjudication, la maison du saisi se voit adjugée à une personne qui m’était inconnue. Lorsqu’elle se présenta à moi pour la signature du procès-verbal, quelle ne fut pas ma stupéfaction !....elle était munie d’une procuration mentionnant les noms du frère et du père du saisi !

Si j’avais imaginé que le père et le frère se porteraient acquéreurs du bien du saisi, jamais je ne leur aurais adjugé le bien ! Mais c’était trop tard… J’établis donc le PV au profit de cette personne agissant pour le compte des 2 membres de la famille du saisi.

Bien entendu, ils ne vont payer ni les frais, ni le prix endéans la période légale (5 jours et 6 semaines).

Je suis confronté à ce qu’on appelle " une vente sur folle enchère " c’est-à-dire que je dois remettre le bien en vente. Ce que je fais.

Fantastique ! La dernière séance se passe sans heurt. La personne acquéreuse est une professionnelle. Le prix est également correct.

Le frère et le père (à qui on avait adjugé le bien et qui n’ont rien payé) devront supporter des frais conséquents ainsi que les frais de procédure.

 

Bref, beaucoup de souffrance, de violence et des frais. Le saisi doit encore beaucoup d’argent à la banque malgré la vente des 2 immeubles.

Les conseils de notre notaire

La maladie et la perte d’un emploi plongent effectivement les personnes dans une spirale de problèmes financiers.

Des solutions existent cependant… Il est toujours possible de discuter avec un banquier et son notaire afin d’envisager des solutions.

Mais il est bien certain que si on se trouve dans l’impossibilité de payer, il faut se décider avec courage de vendre le bien acheté à crédit…. et non pas taper sur son banquier !

Tendances Première: Les Tribus

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