Belgique

Evolution de l’avortement en Belgique : "Plusieurs règles sont aujourd'hui dépassées", selon Yvon Englert

L'invité : Yvon Englert, gynécologue, ancien recteur de l’ULB

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Par Victor de Thier sur base d'une interview de Marc Sirlereau via

La loi de 1990 dépénalisant l’avortement répond-elle encore à l’évolution de la société ? Pour le groupe d’experts chargé d’évaluer l’IVG – l’interruption volontaire de grossesse – en Belgique, la réponse est non. Ce groupe de 35 experts est constitué de représentants de toutes les universités du pays. Son rapport, qui a été remis aux députés, recommande de revoir la loi dans le sens d’une plus grande place à l’autonomie des femmes. Cela passe notamment par l’extension du droit à pouvoir recourir à l’IVG jusqu’à 18 semaines minimum après la conception, contre 12 semaines actuellement.

"C’est une des évolutions nécessaires dans une société qui assume la prise en charge de ses problèmes de santé chez elle", estime Yvon Englert, gynécologue, ex-recteur de l’ULB et co-président de ce groupe d’experts qui rappelle qu’aujourd’hui des centaines de femmes se rendent à l’étranger pour procéder à l’IVG au-delà du délai de 12 semaines, essentiellement aux Pays-Bas. "Il y a évidemment une très forte inégalité sociale en fonction des moyens économiques, culturels, de la maîtrise de la langue et de la possibilité de déplacement", pointe le médecin qui précise qu'il s'agit d'une "recommandation à l’unanimité de l’ensemble des membres du groupe de travail."

Face aux critiques concernant la non-prise en compte de l’évolution du fœtus, Yvon Englert renvoie aux expériences qui ont déjà lieu à l’étranger. "Nous avons très extensivement repris toute la littérature sur l’évolution du fœtus et sur la perception de la douleur qui – selon les données actuelles de la science – se situe au-delà de 22 à 26 semaines. Bien sûr le conflit éthique fondamental reste. Mais je crois que l’expérience qu'on voit de l’étranger, que ce soit la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas qui ont depuis des décennies la possibilité d’accès à l'IVG même au-delà de 18 semaines, montre que c’est une évolution qui ne met pas en danger l’équilibre éthique de notre société."

Des mesures "infantilisantes"

Une autre recommandation porte sur le délai de réflexion. Il est actuellement de six jours entre la première prise de contact entre la femme qui souhaite procéder à une IVG et l’équipe médicale et l’acte proprement dit. Selon le groupe de chercheurs, ce délai n’est plus non plus dans l’air du temps.

L’évolution du mouvement féministe a eu une influence très claire sur le travail des experts.

"Ces concessions qui ont été faites en 1990 pour accepter la dépénalisation de l’avortement ne sont plus d’actualité aujourd’hui. Les femmes ont déjà bien réfléchi avant leur première prise de contact. Si elles ont besoin d’un temps de réflexion, il sera peut-être de deux jours ou de deux semaines, mais un temps fixe imposé est vécu comme une infantilisation que les femmes n’acceptent plus. L’évolution du mouvement féministe a eu une influence très claire sur le travail des experts", explique Yvon Englert. 

Dans le même ordre d’idée, les chercheurs estiment qu’il n’est plus nécessaire d’informer les femmes sur les possibilités d’adoption ou de place d’accueil pour leur enfant. 

Appel au politique

Yvon Englert veut insister sur deux recommandations du rapport. La première porte sur l’inscription de la loi dans le cadre des soins de santé. "C’est une évolution très importante parce qu’elle donnerait à la fois aux femmes et à aux praticiens l’ensemble des protections qui sont données à toutes les personnes qui recourent à la santé", explique-t-il. La deuxième porte sur les mesures de prévention où des progrès pourraient encore être faits, estime l’expert, car "la meilleure interruption de grossesse reste celle qui n’est pas nécessaire."

Et de lancer un appel du pied aux dirigeants. "Nous comprendrions mal qu’après nous avoir demandé ce rapport et alors qu’il a été émis à l’unanimité, le politique ne suive pas. Ce qu’il ne faudrait pas c’est que nous accouchions d’une mini réforme comme en 2018. Si l’accord politique n’est pas possible, le rapport restera et je pense que les propositions qui sont faites massivement par les experts représentent la base de ce que doit être aujourd’hui l’évolution de cette loi."

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