Plus troublant encore, certaines maisons de disques (les majors dans le jargon de la musique) vont jusqu’à réaliser elles-mêmes les interviews des artistes pour ensuite les proposer aux médias. Cela arrive notamment lorsque des maisons de disques proposent des exclusivités à un média. “Ce sont les maisons de disques qui sont à la manœuvre”, explique Françoise Baré. “Ça a été le cas avec Elton John. Il s’agissait d’une interview toute faite par la maison de disques”.
Dans ce cas-là, explique Françoise Baré, les journalistes culturels jugent sur pièce. Elle rappelle les règles de base lorsque de telles interviews parviennent jusqu'à la rédaction. “D’abord, on écoute, on regarde s’il y a moyen de faire un sujet sur base de cette interview et d’ensuite la mettre en perspective. On dit qu’il s’agit d’images provenant de la maison de disques, on le détoure.” Ensuite, si le choix est fait de faire un sujet en y incluant ce type d’interview, “nous tentons d’y apporter du décryptage en utilisant nos archives et en ajoutant l’interview d’un ou de plusieurs spécialistes musicaux. Le plus souvent, on tente d’interviewer un journaliste musical RBTF pour que cela reste notre patte”, explique Françoise Baré. Et de préciser qu’il est arrivé aussi de ne pas utiliser des images fournies par les maisons de disques si on juge le contenu trop promotionnel ou pas assez intéressant. Tout comme, “il est arrivé de refuser de faire des interviews car le contenu était trop strict", précise Françoise Baré.
Autre phénomène, celui-ci concerne le contenu même de certaines interviews. Selon Sébastien Desprez, attaché de presse musical depuis plusieurs années, il existe des articles qui sont des "copier/coller" des communiqués de presse. "J’ai vu plein de fois, mes communiqués de presse devenir des questions. D’ailleurs c’est comme cela qu’on t’apprend à rédiger un communiqué de presse. Ton communiqué de presse, c’est l’interview que tu as envie d’avoir. Et les trois quarts du temps c’est ce que tu as. Beaucoup de journalistes se basent sur les communiqués de presse qui sont fournis par les maisons de disques et par les attachés de presse. C’est vrai dans beaucoup d’articles de presse en web, radio, télévision. Pour avoir été proche à un moment de la presse “Lifestyle”, des copier/coller quasiment mot pour mot de communiqués de presse, ça se fait tout le temps. Je ne pense pas que ça soit du bon journalisme mais pour moi ici, la prestation de Stromae sur TF1, on est dans un cas qui est beaucoup moins grave". Il précise cependant ne pas pointer un média en particulier mais parle “d’une tendance générale”.
Dans tous les communiqués de presse, ils donnent des informations susceptibles d’intéresser la presse parce qu’il faut rendre la mariée très belle
Pour Françoise Baré, il n’y a pas de quoi tirer des généralités. Sans nier que cela puisse arriver dans certains médias, elle précise. "D’abord, quelle est la fonction d’un communiqué de presse ? Un communiqué de presse, c’est d’abord dire à la presse l’intérêt autour d’un chanteur. Cela doit soutenir leur campagne de communication à destination de la presse. Il faut donc que ce soit informatif. Et, ne nous voilons pas la face, dans tous les communiqués de presse, ils donnent des informations susceptibles d’intéresser la presse parce qu’il faut rendre la mariée très belle."
Voilà pour la fonction de base du communiqué de presse mais à propos du copier/coller observé à certains moments pas Sébastien Desprez. "Il existe des encarts dans des journaux où cela se fait. Mais ce n’est pas un traitement journalistique", explique Françoise Baré. "Le journalisme culturel ce n’est pas ça. Le journalisme culturel, c’est du journalisme appliqué aux matières culturelles. Ce n’est pas de la promotion. Et cela, même si le journalisme culturel a un impact sur les velléités de promotion d’un artiste dès lors qu’on en parle." Pour elle, il n’y a pas de lien à tisser entre la manière dont certains journalistes culturels peuvent utiliser les informations contenues dans un communiqué de presse et la prestation de Stromae sur TF1. "Ici c’est une technique de communication. C’est une négociation directement avec la rédaction en chef d’un journal d’information et tout est bidouillé du début jusqu’à la fin. Cela n’a rien à voir avec un communiqué de presse et la manière dont le journaliste peut travailler notamment sur base de ce communiqué."
Reste le cas spécifique où un communiqué de presse est une réaction à un évènement. "Là, on peut le reproduire in extenso mais alors on le précise", explique Françoise Baré.
A part Stromae, Angèle et Orelsan, il y en a très peu qui passent au JT